Notre-Dame-des-Landes, réduction du nucléaire, condition animale, glyphosate… le ministre de la transition écologique et solidaire aborde, dans un entretien dans L’Obs jeudi 30 novembre, les nombreux dossiers auxquels il s’attelle depuis sa nomination en mai.

S’il estime que la politique est « plutôt rude », il assure « n’avoir renoncé à rien » et se dit « convaincu de pouvoir créer, de l’intérieur, des dynamiques irréversibles dans quatre domaines structurants : l’alimentation, les transports, la rénovation thermique des bâtiments, et, bien sûr, la politique énergétique qui comprend la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ».

  • Aéroport Notre-Dame-des-Landes

Nicolas Hulot assure que l’éventuelle construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas pour lui une ligne rouge.

« Je ne fonctionne pas comme cela. Si je vous dis que c’est une ligne rouge, c’est une forme de chantage. Or, je ne veux rien obtenir par le chantage. Ce ne serait pas sain ni durable. »

Prié de dire si dans un « deal » passé avec Edouard Philippe, le premier ministre, au moment de son entrée au gouvernement « il y avait l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes », le ministre affirme qu’« il n’y a jamais eu de deal de ce type ».

« J’ai dit à Edouard Philippe et à Emmanuel Macron quelles étaient mes convictions profondes sur tout un tas de sujets, dont celui-ci, avant d’accepter de devenir ministre. » « Mon opposition à ce nouvel aéroport était donc connue de tous. »

Selon Nicolas Hulot, « toutes les alternatives n’ont pas été étudiées. C’est pour cela que j’ai souhaité qu’une commission de médiateurs soit mise en place », dit-il. Les médiateurs doivent remettre leur rapport au premier ministre le 13 décembre, a annoncé Matignon mardi, avec une décision de l’exécutif « selon toute vraisemblance » d’ici à la fin de l’année, selon une source gouvernementale. « A ce stade, je n’ai aucune idée de la décision qu’ils prendront…  », affirme Nicolas Hulot.

Interrogé sur la consultation locale de juin 2016 dont les résultats ont été favorables au transfert de l’actuel aéroport nantais sur le site de Notre-Dame-des-Landes, il a estimé que « se pose une question de légitimité de la consultation ». « A-t-on soumis à cette consultation toutes les options possibles ? », interroge-t-il.

Selon lui, il y a aussi dans ce dossier « un problème d’autorité » et « d’ordre public ». Nicolas Hulot précise qu’il « ne valide évidemment pas les actes de certains zadistes », ces opposants à l’aéroport installés sur le site de son éventuelle construction. Ils « ne correspondent pas à ma conception de la démocratie », dit-il. « Mais en même temps, cela pose des questions sur la durée de ces procédures », expose-t-il, relevant que « ce qui était pertinent à une époque ne l’est plus forcément aujourd’hui ».

« La situation là-bas s’est envenimée et est très détériorée depuis des lustres. (…) On a à Notre-Dame-des-Landes un problème d’ordre public. Certains en font abstraction dans leur raisonnement. Pas moi ! »
  • Réduction de la part du nucléaire

Interrogé sur son recul quant à la baisse du nucléaire à 50 % de la production électrique en 2025, Nicolas Hulot dit qu’aucun plan n’avait été prévu pour atteindre cet objectif inscrit dans la loi de transition énergétique votée en 2015. Le ministre a donc « décidé de prendre en compte l’ensemble des critères (climatiques, énergétiques, sociaux, ou encore la sûreté des centrales), d’étudier la faisabilité des fermetures pour mettre l’Etat, cette fois-ci, en situation de tenir ses objectifs ».

Nicolas Hulot assure que la centrale nucléaire de Fessenheim fermera « au cours du quinquennat » d’Emmanuel Macron. « L’accord avec EDF prévoit sa fermeture quand l’EPR de Flamanville sera ouvert. »

  • Glyphosate

Le ministre de la transition écologique déplore la décision de l’Union européenne d’autoriser l’utilisation l’herbicide controversé pour cinq ans de plus.

« C’est une décision que je regrette car l’Europe avait ici les moyens de montrer qu’elle est synchronisée avec les attentes légitimes des citoyens sur l’utilisation de ce produit. »

Il reconnaît être « confronté à un dilemme » « ayant suffisamment répété qu’on ne pouvait pas accepter de compromis quand la santé publique est en jeu », mais il assure que la France va tout mettre en œuvre « pour développer les alternatives et, à partir de là, interdire le glyphosate, au plus tard dans trois ans. Il y a une dynamique irréversible, à nous de l’accélérer avec les agriculteurs ».

  • Condition animale

Nicolas Hulot estime que « l’animal a une conscience » et souhaite « conduire bientôt une grande réflexion sur la condition animale avec le ministre de l’agriculture ». « Je suis convaincu que les mentalités ont énormément évolué sur ce sujet, et c’est un indice de civilisation. Ces questions convoquent souvent de vieilles traditions. On peut les aborder sans stigmatiser personne, mais on ne peut plus les occulter », dit-il.

« Si vous me demandez mon sentiment sur l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques, évidemment ça ne me plaît pas. Mais je préfère mener une réflexion globale plutôt que de l’interdire d’un coup », ajoute-t-il. Plusieurs pays européens ont décidé d’interdire l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques, et la Fondation Brigitte Bardot a appelé la semaine dernière M. Hulot à faire de même en France après qu’un tigre qui s’était échappé d’un cirque a été abattu à Paris.

Concernant la chasse ou les abattoirs, Nicolas Hulot appelle à « limiter au maximum » la souffrance de l’animal. « Certaines pratiques, comme la chasse à courre, prolongent l’agonie et le stress de l’animal. Cela me heurte profondément. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la civilisation », explique-t-il, estimant que leur activité donne aux chasseurs « plus de devoirs que de droits ».

  • Menu végétarien dans les cantines scolaires

Le ministre de la transition écologique et solidaire souhaite aussi que les cantines scolaires proposent « prochainement » aux enfants un menu végétarien « un jour par semaine ». Interrogé sur sa consommation de viande, Nicolas Hulot confie qu’il n’est pas végétarien.

« Dans ma famille, nous sommes cinq. Deux d’entre nous sont végétariens. Les trois autres, dont moi, ne mangent plus de la viande qu’une fois par semaine. Chacun son chemin (…) C’est aussi une affaire d’éducation. Je souhaite donc que, prochainement, les cantines scolaires proposent aux enfants un menu végétarien un jour par semaine. »

Dans l’optique notamment de réduire la consommation de viande et d’aller vers une « alimentation durable », le cercle de réflexion Terra Nova a suggéré la semaine dernière la généralisation de l’option du repas alternatif végétarien et l’imposition d’un jour végétarien par semaine dans les collèges et les lycées.