Avec Angelhaha Airline, aller simple pour la planète arty
Avec Angelhaha Airline, aller simple pour la planète arty
M le magazine du Monde
Une jeune artiste sino-américaine lance une compagnie aérienne qui ne propose que des vols aller vers des villes où se déroulent des salons ou des biennales.
Qinmin Liu, la créatrice de la compagnie Angelhaha Airline. / COURTESY QINMIN LIU/ANGELHAHA AIRLINE
Quand une artiste sino-américaine vous promet le bonheur, méfiance. Les meilleurs créateurs sont des empêcheurs de tourner en rond, des lanceurs d’alerte plus que des pourvoyeurs de félicité. Quand la même jeune femme vous propose de décoller, le 6 décembre, direction Miami, à bord d’un avion customisé par ses soins, on flaire un piège.
Qinmin Liu croit pourtant dur comme fer dans la compagnie Angelhaha Airline, qu’elle a lancée cette année. Car Angelhaha Airline n’emmène pas ses passagers partout dans le monde. Elle se contente d’un trajet aller dans les villes où se déroulent salons et biennales. Premier stop cette année en Floride, pour la foire Art Basel Miami Beach avec une compagnie chinoise de jets privés, Meisihang Private Aviation.
Pour bâtir son projet, la jeune femme s’est inspirée de sa propre phobie des voyages : tout l’horripile, des contrôles à rallonge aux heures d’attentes avant l’embarquement. Sans oublier les plateaux-repas. Aussi veut-elle proposer à ses passagers arty une expérience moins anxiogène. « Je veux repousser les limites. Alors pourquoi ne pas commencer quelque chose qui peut redéfinir la fonction de l’art ? », a-t-elle déclaré au site Hyperallergic. Pendant le trajet New York - Miami (3 h 20), Qinmin Liu proposera une « performance ».
2 800 à 3 500 dollars le New York - Miami
Difficile d’en savoir plus, l’artiste ne voulant guère déflorer son projet. Tout juste dit-elle que le service, l’avion, la durée, l’espace confiné feront partie de l’expérience. Pour avoir une petite idée de l’esprit du voyage, il faut regarder le spot publicitaire de présentation diffusé par la télévision chinoise. La jeune femme apparaît, sourire rose fuschia. Le clip finit par un grand éclat de rire. Le bonheur version Qinmin Liu est dans les zygomatiques.
Evidemment, pour être de l’aventure, il faut y mettre le prix. Comptez de 2 800 à 3 500 dollars pour le baptême du feu New York - Miami. Le premier vol n’est pas complet : trois sièges sont encore disponibles. Vingt-quatre autres trajets sont déjà programmés, notamment en mars, pendant la foire Art Basel Hongkong, et en mai, lors de la Biennale d’architecture de Venise.
Qu’un artiste affrète un avion pour faire voyager la planète arty n’est pas nouveau. En 2001, l’Italien Maurizio Cattelan avait invité 150 personnes triées sur le volet (collectionneurs, critiques d’art, etc.) à prendre un avion privatisé au départ de Venise, direction Palerme, pour découvrir une de ses installations, située dans une décharge.
Mais Qinmin Liu surfe sur un tout autre registre : le désir d’expérience du monde de l’art. Méga-collectionneurs et « übercurators » sont des enfants gâtés, blasés. Ils ont déjà tout, à commencer par l’argent pour acheter des œuvres d’art. Ce qu’ils veulent, c’est une expérience globale, autrement dit du fun. Aussi les artistes sortent-ils de plus en plus de leur périmètre pour les séduire. En juin, sur la foire Art Basel, à Bâle, l’artiste indien Subodh Gupta cuisinait tous les jours des petits plats pour les visiteurs de la foire. Histoire de taquiner leur palais. D’autres, comme Qinmin Liu, jouent les filles de l’air…