Les académies de médecine et de pharmacie jugent que l’homéopathie ne doit pas continuer à être remboursée par l’Assurance-maladie. Une prise de position symboliquement forte quelques mois avant la décision des pouvoirs publics.

Dans une déclaration commune publiée jeudi 28 mars, les deux instances estiment « qu’aucune préparation homéopathique ne [doit] être remboursée par l’Assurance-maladie tant que la démonstration d’un service médical rendu suffisant n’en aura pas été apportée ». « Aucun diplôme universitaire d’homéopathie ne doit être délivré par les facultés de médecine ni par les facultés de pharmacie », ajoutent-elles.

Pour justifier cette prise de position, les deux académies rappellent que « des analyses rigoureuses n’ont pas permis de démontrer une efficacité » de l’homéopathie, tout en reconnaissant l’existence d’un « effet placebo » lié à l’attente que les patients placent dans cette pratique. L’Académie nationale de médecine s’était déjà prononcée en ce sens, pour la dernière fois en 2004. Pour celle de pharmacie en revanche, c’est une première.

Une efficacité évaluée

« Merci aux Académies de médecine et de pharmacie pour cette prise de position sans équivoque en faveur du déremboursement de l’homéopathie », a réagi le collectif Fakemed dès mercredi, après la divulgation de la déclaration commune par Le Figaro. Ce collectif a été créé par les 124 médecins auteurs, il y a un an, d’une tribune au vitriol contre l’homéopathie et d’autres « médecines alternatives ». C’est sa publication qui a provoqué le débat sur le déremboursement.

En août, le ministère de la santé a en effet saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour connaître son avis « quant au bien-fondé (…) du remboursement des médicaments homéopathiques ». La HAS a récemment indiqué qu’elle avait pour objectif de rendre son avis en juin. Il portera sur « 1 200 médicaments homéopathiques ». Trois laboratoires sont concernés (Boiron, Lehning et Weleda). Les critères de l’évaluation seront notamment « l’efficacité » des médicaments homéopathiques et « leur intérêt pour la santé publique », selon la HAS.

« Je me suis engagée à suivre les recommandations de la HAS », a rappelé, lundi, la ministre de la santé Agnès Buzyn, lors d’un entretien avec l’Agence France-Presse (AFP). « Je ne cherche ni à dérembourser, ni à rembourser. Soit un médicament est utile et permet d’avoir un bénéfice clinique, soit il n’apporte rien et dans ce cas-là, il n’a pas de raison d’être financé par la collectivité », a-t-elle poursuivi.

Reste que l’homéopathie est une technique appréciée des Français : 72 % « croient en ses bienfaits », selon un sondage Odoxa (Baromètre santé 360) publié en janvier. Par ailleurs, Boiron affirme que le déremboursement de l’homéopathie menacerait 1 300 emplois sur les 2 500 de sa société en France.

« Indispensable à l’arsenal thérapeutique »

« J’ai souhaité remettre le rationnel scientifique au centre du débat, a assuré Mme Buzyn à l’AFP. Ça ne veut pas dire que cela suffise toujours à prendre une décision politique, mais au moins j’ai réaffirmé qu’on ne pouvait pas faire sans. » Selon la ministre, « on ne peut pas prendre des décisions uniquement sur le ressenti des gens, parce que c’est comme cela qu’on glisse vers une forme de populisme ».

Controversée au sein du corps médical, l’homéopathie consiste à administrer des substances en quantité infinitésimale, dans l’espoir de guérir. Certains médicaments sont remboursés à hauteur de 30 % par l’Assurance-maladie, bien que leur efficacité n’ait pas été évaluée scientifiquement.

Si l’Académie nationale de pharmacie vient de prendre position contre cette pratique, ce n’est pas le cas des syndicats de la profession. « Je ne vais pas rentrer dans le débat sur l’efficacité du produit », a déclaré Philippe Besset, président de la Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF), qui juge l’homéopathie « indispensable à l’arsenal thérapeutique ». Son homologue de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, estime que « si on dérembourse, les prix vont flamber ». Il propose donc un « compromis » : « passer le taux de remboursement de 30 à 15 % ».

En 2017, le remboursement de l’homéopathie a représenté 129,6 millions d’euros sur un total de 19,9 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés, selon l’Assurance-maladie.