Coup d’envoi de la Coupe du monde 2018 au « royaume de Poutine »
Coup d’envoi de la Coupe du monde 2018 au « royaume de Poutine »
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Le tirage au sort de la Coupe du monde de football 2018 a eu lieu, vendredi, au Kremlin.
Germany's former forward Miroslav Klose (C) holds the FIFA World Cup trophy during a performance as part of the Final Draw for the 2018 FIFA World Cup football tournament at the State Kremlin Palace in Moscow on December 1, 2017. The 2018 FIFA World Cup will be held from June 14 and July 15, 2018, in 11 Russian cities. / AFP / Mladen ANTONOV / MLADEN ANTONOV / AFP
Il fut un temps, pas si lointain, où le palais en béton recouvert de marbre blanc situé dans l’enceinte du Kremlin accueillait les congrès du parti communiste soviétique. Mikhaïl Gorbatchev y présida le 23e et dernier, en juillet 1990. Et c’est ici, dans ce lieu très politique érigé au cœur de la capitale russe par Nikita Khrouchtchev, et non dans une enceinte sportive, que le coup d’envoi de la Coupe du monde de football 2018 a été donné, vendredi 1er décembre, par le tirage au sort des équipes. En Russie, tout part et tout revient au pouvoir.
L’événement, qui attire des millions de fans et de téléspectateurs, s’y déroulera pour la première fois de son histoire du 14 juin au 15 juillet 2018, et la cérémonie de ce vendredi ne pouvait pas avoir d’autre origine que celui-ci, répété dans toutes les langues : le « Kremlin ».
Dans le vaste carré VIP soigneusement gardé, mille trois cents invités triés sur le volet, dont trente entraîneurs, sur les trente-deux équipes en compétition, déambulaient une coupe à la main, sous les macarons rouges et les symboles soviétiques d’autrefois. Maradona réajustait son minuscule nœud papillon jaune qui semblait l’étrangler, et Pelé secouait furtivement la main en guise de salut. Seul, semble-t-il, le Français Marcel Desailly a bravé le froid pour quelques dribbles sur la place Rouge.
Au dernier étage de l’imposant palais, réservé aux journalistes, douze stands colorés représentant les stades des onze villes hôtes de la compétition — Moscou (qui compte deux stades), Saint-Pétersbourg, Iekaterinbourg, Kazan, Kaliningrad, Nijny-Novgorod, Rostov-sur-le-Don, Sotchi, Samara, Saransk, et Volgograd — rivalisaient de gadgets, petits porte-clés, magnets et clés USB pour attirer le regard. Mais sans parvenir à concurrencer le moins du monde la vue imprenable sur les bulbes du Kremlin balayés par une tempête de neige. « C’est bien ici, le royaume de Poutine ? », s’amusait une journaliste espagnole.
Dix milliards d’euros
Le président russe était bien sûr de la partie. Pour une fois pile à l’heure, Vladimir Poutine a fait son entrée à 18 heures sur la scène, peu avant le tirage au sort, au côté de Gianni Infantino, le président de la Fédération internationale de football. « Notre pays attend avec impatience ce championnat », a déclaré le chef du Kremlin, promettant : « Nous ferons tout pour qu’il se transforme en fête sportive grandiose. » La Russie a dépensé près de dix milliards d’euros pour ce Mondial, pour les stades, les infrastructures, et les transports. A Moscou, les stations de métro sont désormais annoncées en deux langues, russe et anglais. Une première.
Mais ce vendredi, il planait comme une ombre au tableau. Le 5 décembre, le Comité olympique international (CIO) devrait annoncer sa décision quant à la participation des sportifs russes aux Jeux olympiques d’hiver, en février, à Pyeongyang, dans le cadre du scandale du dopage parrainé par l’Etat russe. Or, vendredi, trois athlètes ont de nouveau été disqualifiés, ce qui porte à vingt-cinq le nombre d’entre eux qui se sont vu retirer des médailles. L’ami Infantino a volé au secours de Vladimir Poutine : « S’il y avait un problème sérieux de dopage dans le football, on le saurait. » Le vice premier ministre, Vitali Moutko, ex-ministre des sports au cœur du scandale, a tenté de son côté de se poser en victime : « C’est fait pour présenter la Russie comme l’axe du mal, mais nous sommes une grande puissance sportive. »
Le problème est que l’impact international du football n’a pas la même résonance en Russie qu’ailleurs. Elle est bien moindre que celle des JO. La Sbornaïa, l’équipe nationale, classée 63e par la FIFA, ne déchaîne pas les passions. Vendredi soir, l’assistance au Kremlin est restée compassée, et la plupart des cafés et des bars de la capitale russe n’ont rien transmis sur le tirage au sort. Un manque d’enthousiasme agaçant alors que se profile l’élection présidentielle russe, le 18 mars, à laquelle Vladimir Poutine compte bien se représenter.