Coupe du monde 2018 : un « bon » tirage au sort est-il la garantie d’un « bon » Mondial ?
Coupe du monde 2018 : un « bon » tirage au sort est-il la garantie d’un « bon » Mondial ?
Par Anthony Hernandez
Avant la cérémonie qui aura lieu vendredi au Kremlin, « Le Monde.fr » a comparé les réactions suscitées par les cinq précédents tirages au sort à la réalité des parcours des Bleus.
Le groupe A, celui de la France au Mondial 2010, après le tirage au sort au Cap en 2009. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
France, Pérou, Iran et Panama, plutôt que France, Espagne, Costa Rica et Nigeria. En Russie, au moins de juin prochain, l’équipe de France pourrait une nouvelle fois se retrouver avec un groupe, a priori, très abordable.
Plutôt chanceuse au tirage, l’équipe de France fait pourtant des montagnes russes depuis 1998 : le titre de champion du monde a été suivi par le fiasco de 2002, auquel a succédé la finale surprise en 2006, puis le désastre sud-africain en 2010, avant une élimination plus qu’honnête en quarts de finale en 2014.
Alors, un « bon » tirage au sort est-il la garantie d’une Coupe du monde réussie ? L’examen des réactions et des espoirs suscités par les cinq derniers tirages au sort de la Coupe du monde, mis en relation avec la réalité des performances sportives, semble, au contraire, indiquer qu’il n’y a pas de règle en la matière.
Coupe du monde 1998 : « on aurait pu tomber plus mal » selon le capitaine Deschamps
– France, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Danemark ;
– Trois victoires ;
– Résultat final : champion du monde.
Juste avant le tirage au sort au Stade-Vélodrome le 4 décembre 1997, un match de gala est organisé entre une sélection européenne et une sélection du reste du monde. / GABRIEL BOUYS / AFP
Après deux absences traumatiques aux Coupes du monde 1990 en Italie et 1994 aux Etats-Unis, l’équipe de France doit à tout prix réussir son Mondial à domicile. Le Stade-Vélodrome accueille la cérémonie le 4 décembre 1997.
Le public marseillais salue d’abord d’une clameur l’annonce du premier adversaire, l’Afrique du Sud. Le deuxième, le Danemark, ne provoque pas de réaction particulière avant que les cris de joie ne viennent ponctuer l’arrivée de l’Arabie saoudite au sein du groupe C.
Le lendemain, Le Monde l’analyse ainsi : « Avec l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite et le Danemark, les Bleus ont évité le pire et devraient se qualifier pour les huitièmes de finale. » Habitué de la langue de bois, le capitaine Didier Deschamps la délaisse un instant : « On aurait pu tomber plus mal. »
Aimé Jacquet, fidèle à sa discrétion et à son humilité, la joue profil bas. « Ne mésestimons surtout pas nos adversaires. Depuis un an et demi, l’équipe de France travaille en profondeur et il faut absolument garder cette sérénité, cette humilité et cette ambition, avertit le sélectionneur : “N’oublions pas que c’est le Danemark qui a mis fin à notre longue invincibilité (1-0 en 1996)…” »
Finalement, le 12 juin 1998, les Bleus commencent leur Mondial par un carton rassérénant contre les Bafana Bafana (3-0), avant d’écraser les pauvres Saoudiens (4-0). Le dernier match avec les remplaçants est presque une formalité le 24 juin face au Danemark (2-1). Les coéquipiers de Laurent Blanc sont en route vers leur destin.
Coupe du monde 2002 : on anticipe déjà les huitièmes de finale
– France, Sénégal, Uruguay, Danemark ;
– Deux défaites et un match nul ;
– Résultat final : une élimination au premier tour.
Championne du monde et d’Europe en titre, l’équipe de France a changé de dimension footballistique. Après le tirage au sort du 1er décembre 2001 à Busan, le pays entier gonfle le poitrail. Ce ne sont pas les novices Sénégalais, les modestes Danois et les rugueux Uruguayens qui sont de taille à l’impressionner.
La presse est unanime sur le caractère aisé du tirage au sort qui a placé les Bleus dans le groupe A. Le titre du Monde anticipe ainsi sur les huitièmes de finale corsés [Argentine ou Angleterre notamment] qui tendent les bras aux footballeurs tricolores : « Au Mondial, passé le premier tour, la France pourrait connaître des frayeurs. » Même si pour rendre justice à nos collègues, ils apportent une nuance à l’intérieur de l’article en précisant que « ce groupe est légèrement plus difficile que celui du Mondial 1998 ».
Du côté des principaux intéressés, on fait comme à l’habitude preuve de prudence. « C’est un groupe très ouvert, avec des footballs très différents, estime le sélectionneur Roger Lemerre, mais tout le monde a du talent à ce niveau-là. Il importe seulement de se classer parmi les deux premiers. » Un avertissement clair, qui s’avère après coup prophétique, est lancé par Bruno Metsu, sélectionneur français du Sénégal : « Nous allons voir si les élèves peuvent donner la leçon au maître. »
Le 31 mai 2002, les Bleus sont, en effet, humiliés par les Sénégalais (1-0). Ils se montrent ensuite incapables de battre l’Uruguay (0-0), avant de sombrer face aux Danois (2-0) sans avoir marqué un seul but du tournoi. Pire prestation de l’histoire d’un tenant du titre.
Coupe du monde 2006 : « L’équipe de France hérite d’un groupe à sa portée »
– France, Suisse, Togo, Corée du Sud ;
– Deux matchs nuls et une victoire ;
– Résultat : finaliste.
La cérémonie du tirage au sort est l’occasion de faire des rencontres. Pelé rencontre Adriana Karembeu en 2005 à Leipzig. / FRANCOIS XAVIER MARIT / AFP
A Leipzig, le 9 décembre 2005, l’équipe de France peut encore se targuer d’avoir eu de la chance au tirage. Le titre du Monde est à l’unisson du sentiment des Français : « L’équipe de France hérite d’un groupe à sa portée. » Seulement agacé à la perspective de retrouver les Suisses, qui a accroché deux fois son équipe en éliminatoires (1-1 et 0-0), Raymond Domenech ne se mouille pas plus que ses prédécesseurs.
« Les Suisses, on commence à bien les connaître, à trop les connaître. La Corée, ce n’est pas forcément un bon souvenir pour l’équipe de France. Le Togo, on le connaît moins à part son avant-centre. Je vais le superviser lors de la Coupe d’Afrique des nations en janvier. Rappelez-vous du Sénégal en 2002… », tempère le sélectionneur.
Le 13 juin 2006, les Français réalisent un début de compétition très poussif face à la Suisse (0-0). Ils sont encore soporifiques face aux Sud-Coréens (1-1), avant de se qualifier au dernier match contre les Togolais (2-0). Cette victoire sert de déclic : ils élimineront l’Espagne, le Brésil et le Portugal avant de perdre en finale contre l’Italie.
Coupe du monde 2010 : « Tirage clément pour les Bleus »
L’ex-secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, brandit le nom de la France lors du tirage au sort au Cap en 2009. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
– France, Afrique du Sud, Mexique, Uruguay ;
– Un match nul et deux défaites ;
– Résultat : une élimination au premier tour.
« Tirage clément pour les Bleus » pour Le Monde.fr, « la France préservée au tirage » pour le nouvelobs.com ou encore « la main heureuse » pour L’Equipe, la presse française semble encore une fois satisfaite du tirage au sort effectué le 4 décembre 2009 au Cap.
Une voix tranche au milieu de cet unanimisme, celle du blog contre-pied hébergé sur le site du Monde qui n’hésite pas à annoncer : « La France dans le vrai groupe de la mort. » Le groupe A, celui de la France, est « celui dont la hiérarchie a priori est la plus difficile à dégager ». Visionnaire, l’auteur de l’article ne va pas jusqu’à prédire l’épisode du bus de Knysna.
Alors que l’ambiance est délétère entre les joueurs, le sélectionneur et la presse, les prestations sportives sont très mauvaises. Les Bleus débutent par un triste 0-0 contre l’Uruguay, avant de perdre face au Mexique (2-0) et de se faire éliminer par le pays hôte (2-1).
Coupe du monde 2014 : « La France encore très chanceuse »
– France, Suisse, Honduras, Equateur ;
– Deux victoires et un match nul ;
– Résultat : quart-finaliste.
L’équipe de France hérite du groupe E que la plupart des observateurs qualifient de plus abordable du tournoi. Europe 1 annonce carrément la couleur : « La France encore très chanceuse. » Comme la plupart des médias, Le Monde partage cet avis : « Le tirage au sort du Mondial sourit aux Bleus. »
Didier Deschamps ne peut que s’incliner devant la réalité : « Je ne vous cache pas que ça aurait pu être un tirage plus compliqué. Aujourd’hui, avant et même après le tirage, l’objectif sportif, légitime, c’est de se qualifier pour les huitièmes de finale. »
C’est du côté de Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, sans doute échaudé par Knysna, que l’on calme les ardeurs : « Il ne faut jamais préjuger de la qualité d’un groupe. Après, on n’a pas toujours eu les résultats qu’on espérait malgré des tirages au sort abordable. C’est un groupe possible. L’objectif raisonnable est de sortir de cette poule, ça paraît essentiel. »
A Porto Alegre, dans le sud du Brésil, les Bleus écrasent d’abord le Honduras (3-0), avant de surclasser la Suisse à Salvador (5-2) et d’assurer le coup à Rio face à l’Equateur (0-0). C’est l’Allemagne qui mettra fin au parcours français en quarts.
Brésil: les légendes du foot attendent le tirage au sort du Mondial
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