Theresa May, première ministre britannique, et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, à Bruxelles, le 8 décembre 2017. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Soumise à un ultimatum cassant de l’Union européenne, Theresa May a cédé sur les principaux points en suspens pour pouvoir annoncer, vendredi 8 décembre à l’aube depuis Bruxelles, qu’un accord avait été conclu, permettant une avancée cruciale pour l’avenir de l’économie britannique : l’ouverture des négociations sur les futures relations commerciales avec l’Union européenne.

« Je me félicite vivement du prochain passage à la phase suivante des discussions sur le Brexit sur le commerce et la sécurité », a déclaré la première ministre britannique avec un sourire qu’on ne lui avait pas vu ces derniers jours. L’UE avait donné jusqu’à dimanche à Mme May pour faire de nouvelles propositions, après l’humiliation qu’elle avait subie lundi, lorsque le Parti démocratique unioniste (DUP) nord-irlandais avait torpillé l’annonce d’un accord.

Mais pour en arriver là, Theresa May a dû passer sous les fourches caudines de la Commission européenne, non seulement sur la facture du divorce – 50 milliards d’euros au lieu des 20 qu’elle avait acceptés initialement – mais sur l’Irlande et sur la compétence de la Cour de justice européenne (CJUE), même si les Européens ont aussi cédé du terrain sur ce point. « L’accord a exigé des concessions des deux côtés, mais il est dans le meilleur intérêt du Royaume-Uni. Il est juste pour le contribuable britannique et préserve l’intégrité du Royaume-Uni », a-t-elle reconnu.

« Ambiguïté constructive »

Le compromis sur l’Irlande est un modèle d’« ambiguïté constructive » chère à l’UE. Il ne tranche pas, et pour cause, l’insoluble équation irlandaise. Londres a décidé de sortir du marché unique, ce qui impose une frontière entre le Nord et le Sud, que les Britanniques prétendent refuser et que les Irlandais rejettent totalement.

Mais le texte ouvre la voie à une possible volte-face britannique : « En l’absence de solutions acceptées, le Royaume-Uni maintiendra un alignement complet sur les règles du marché unique et de l’union douanière. » Outre l’avantage de remettre la solution aux calendes grecques, cette disposition satisfait le DUP puisqu’elle exclut l’établissement d’une frontière maritime entre l’Irlande et la Grande-Bretagne, hantise des unionistes.

Ce point précis est d’ailleurs garanti par un paragraphe ajouté depuis, lundi. Il prévoit que l’exécutif et l’assemblée nord-irlandaise, où siège le DUP, décideraient d’un éventuel « arrangement distinct » pour l’Irlande du Nord. Symptomatiquement, le document accepté vendredi par Londres emploie l’expression d’« économie de toute l’Irlande » qui ravira les républicains et les partisans d’une réunification tout en garantissant, à l’intention des unionistes que « dans tous les cas », Londres « continuera à assurer le même accès sans restriction pour les entreprises nord-irlandaises à l’ensemble du marché intérieur du Royaume-Uni ».

Vendredi matin, le soulagement était tel à Londres que les plus europhobes des membres du gouvernement May ont semblé se mettre à l’unisson du concert de louanges adressées à la première ministre. « Elle a pris d’importantes décisions dans l’intérêt national », se félicitait Steve Baker, ministre « ultrabrexiter ». Mais déjà, Nicola Sturgeon, première ministre (indépendantiste) du gouvernement d’Edimbourg, réclame que les « arrangements particuliers pour l’Irlande du Nord soient ouverts aux autres nations » du royaume.