L’organisation Médecins sans frontières est la première à publier une évaluation du nombre de victimes de la répression subie par les Rohingya dans l’ouest birman. Selon l’ONG, la mortalité au sein de cette minorité a subi un pic brutal dans les semaines qui ont suivi l’attaque, le 25 août, par l’Armée du salut des Rohingya d’Arakan (ARSA), de plusieurs postes de police. MSF estime qu’au bas mot 6 700 Rohingya, dont au moins 730 enfants de moins de 5 ans, ont été tués dans le mois qui a suivi ces événements.

Cette évaluation, très conservatrice, se base sur une étude de mortalité réalisée auprès de 2 434 foyers représentant 11 426 individus parvenus dans les camps de réfugiés de l’autre côté de la frontière, au Bangladesh. « Notre chiffre est clairement sous-estimé car il n’inclut pas les ménages totalement exterminés ni les populations restées au Myanmar [nom officiel de la Birmanie]. Nous n’avons pu interviewer que les survivants qui sont parvenus jusqu’aux camps », dit le docteur Emmanuel Grellety, qui a travaillé sur le terrain.

« Nettoyage ethnique »

MSF souligne que la méthodologie est particulièrement prudente afin d’être indéniable. « C’est une enquête claire, avec une méthode robuste et reconnue, et fondée sur des échantillons puissants du fait de leur nombre, ajoute l’épidémiologiste. Nos conclusions permettent de décrire la situation de manière objective, on peut parler de nettoyage ethnique. »

Parmi ces morts violentes, 69,4 % des individus ont été abattus à l’arme à feu et 8,8 % ont été brûlés vifs (14,8 % pour les enfants de moins de 5 ans), la plupart du temps dans leurs maisons. 5 % ont été battus à mort et 2,6 % sont décédés du fait de violences sexuelles, d’autres encore ont marché sur des mines antipersonnel.

Plus de 646 000 personnes ont franchi la frontière depuis août. Il ne reste qu’un tiers de la population Rohingya dans l’Etat de Rakhine, dont beaucoup sont dans des camps de déplacés depuis de précédentes vagues de violence. Comme d’autres ONG, MSF demande un accès sans restriction à la zone, le nord de l’Etat, mais le Myanmar n’a jusqu’à présent voulu travailler qu’avec la Croix Rouge birmane.

La publication de ces données intervient alors que les institutions birmanes nient toujours la violence de la répression contre les Rohingya, population musulmane à laquelle la Birmanie ne reconnaît pas la citoyenneté et qu’elle considère immigrée du Bangladesh voisin. A la mi-novembre, le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, jugeait « très faible » le nombre de départs de « Bengalis », la dénomination qu’emploie la majorité en Birmanie pour souligner le caractère étranger de cette minorité.