Pourquoi la dernière version d’Android tarde tant à arriver dans les smartphones
Pourquoi la dernière version d’Android tarde tant à arriver dans les smartphones
Par Nicolas Six
Beaucoup de smartphones Android sont équipés d’une version vieillissante de leur logiciel central. Les utilisateurs sont privés des innovations récentes et s’exposent à des soucis de sécurité. Un problème difficile à résoudre.
Oreo est la dernière version d’Android, sortie en août. / Nicolas Six / Le Monde
Les améliorations logicielles mettent trop longtemps à atteindre les usagers d’Android, le logiciel central conçu par Google, qui équipe la majorité des smartphones dans le monde. La nouvelle version d’Android, nommée Oréo, est sortie en août, mais elle n’équipe aujourd’hui qu’un smartphone sur 200, selon les statistiques publiées lundi 11 décembre par Google. Un chiffre bien pâle comparativement à la popularité d’iOS 11. La dernière version du logiciel central d’Apple équipe déjà plus d’un iPhone sur deux, selon Apple. Depuis sa sortie en septembre, iOS 11 a été téléchargé en masse.
Google peine à diffuser les versions les plus récentes d’Android – et cela n’est pas lié à sa volonté d’offrir la primeur de ce logiciel à ses propres smartphones, les Google Nexus et Pixels. Car après leur sortie en magasin, les smartphones Google ne conservent cette exclusivité que quelques semaines. Le problème est plus profond. Sur la totalité des smartphones Android en circulation, la moitié embarque un logiciel vieux de deux ans ; et 25 % supplémentaires embarquent une version encore plus ancienne.
Et le problème a tendance à s’accentuer. En 2016, les smartphones équipés d’Android embarquaient des versions d’Android nettement plus âgées qu’en 2014. Le contraste avec Apple est saisissant : plus de 90 % des iPhones sont aujourd’hui équipes d’un iOS datant de moins de quinze mois.
Frustrations et inquiétudes
Beaucoup d’utilisateurs sont frustrés de ne pas pouvoir accéder aux dernières versions d’Android. Car Nougat et Oreo, les versions sorties en 2016 et 2017, offrent plusieurs améliorations : les notifications sont finement personnalisables et les raccourcis rapides sont plus riches et mieux organisés.
Pour profiter des nouveautés d’Android, mieux vaut investir dans un smartphone haut de gamme fabriqué par une grande marque. La plupart reçoivent une mise à jour après quelques mois, et parfois même une seconde. A l’inverse, les smartphones moyen de gamme des petits constructeurs ont moins de chances d’en profiter.
Ce vieillissement cache un second problème. Plus la version d’Android est ancienne, plus elle souffre de failles de sécurité exploitables par un cybercriminel. Le gouvernement américain lui-même ne se prive pas d’utiliser ces portes d’entrée sur les smartphones. Un document de la CIA révélé par Wikileaks liste 25 méthodes pour pirater un téléphone équipé d’une ancienne version d’Android.
Face à ce problème, Google ne reste pas les bras croisés. Ses ingénieurs colmatent chaque mois les failles de sécurité nouvellement découvertes en publiant des pansements logiciels. Ils sont destinés aux smartphones récents, mais aussi aux modèles vieillissants, puisque Google remonte jusqu’à fin 2013. Plus de 90 % des deux milliards de smartphones Android en circulation pourraient théoriquement en bénéficier.
La sécurité : un casse-tête pour les fabricants
Hélas, beaucoup d’utilisateurs ne reçoivent pas ces pansements. Selon Google même, seuls 50 % des smartphones Android ont bénéficié d’un correctif de sécurité en 2016. Pourquoi ? Car le géant n’a pas la maîtrise de leur diffusion, à la différence de Microsoft, qui distribue lui-même ses pansements aux utilisateurs de Windows. Pour Android, ces correctifs sont censés être distribués par les fabricants de smartphones. Mais beaucoup s’en abstiennent…
Font-ils preuve de mauvaise volonté ? Google tient des propos plus nuancés sur la question dans les pages de son blog destiné aux développeurs. Ces mises à jour coûteraient en fait très cher aux fabricants. Herny Lee, le chef de la sécurité de Samsung, un fabricant modèle en la matière, s’en est ouvert au magazine américain Wired : « On pourrait penser qu’il suffit de recevoir un correctif de Google et l’appliquer. Mais en réalité, c’est loin d’être aussi simple. »
La route d’un correctif, de Google à l’utilisateur, est en effet longue et semée d’embûches. Les smartphones sont équipés d’un ensemble de composants électroniques provenant de marques variées. Le correctif de Google doit d’abord passer chez ces constructeurs pour être modifié. Il arrive ensuite chez le fabricant du smartphone, dont les ingénieurs doivent l’adapter à leurs smartphones. Samsung, par exemple, commercialise une quinzaine de nouveaux smartphones chaque année. Ce pansement doit ensuite être testé et validé par des centaines d’opérateurs téléphoniques dans le monde.
Google travaille à une solution
Le géant californien a pris des mesures pour résoudre le problème. Oreo, la dernière version d’Android, peut désormais être mise à jour plus simplement, sans devoir être retravaillée par les fabricants de composants, ou par le constructeur. La participation à ce projet, qui porte le nom de code « Treble », est suggérée par Google aux fabricants de smartphones, et non imposée. Samsung, Huawei et consorts peuvent choisir individuellement s’ils souhaitent y participer. Il est trop tôt pour savoir si le projet Treble sera un succès.
Espérons que cette initiative sera plus efficace que l’éphémère Android Update Alliance. Google avait annoncé en 2011 travailler avec les fabricants de smartphone pour offrir aux utilisateurs les nouvelles versions d’Android qui sortiront lors des dix-huit mois qui suivront la sortie de leur smartphone. Cette annonce n’avait pas été suivie d’effet.