Apple et le soupçon de l’obsolescence programmée
Apple et le soupçon de l’obsolescence programmée
LE MONDE ECONOMIE
La firme a admis ralentir d’anciens smartphones, invoquant des problèmes de batterie. Beaucoup y voient une manœuvre pour inciter à acheter de nouveaux modèles.
AUREL
En avouant avoir bridé la performance de certains de ses smartphones, Apple voit rejaillir les soupçons de pratique généralisée de l’obsolescence programmée. Même si la mise à jour incriminée était censée régler des problèmes de batterie, de nombreux consommateurs y ont vu une manœuvre de la firme à la pomme pour inciter les propriétaires à renouveler des équipements vieux d’à peine deux ou trois ans.
L’accusation n’est pas nouvelle. En témoigne cette pétition en ligne lancée par l’association internationale de consommateurs SumOfUs, fin 2016, qui compte près de 340 000 signataires. « Apple sabote ses appareils avec des mises à jour qui ralentissent tous les iPhone et iPad à moins qu’ils ne soient du plus récent modèle, accusent les auteurs de la pétition. Ainsi, frustré de se retrouver avec un appareil aussi lent qu’un escargot, l’utilisateur n’a d’autre choix que d’en acheter un nouveau. »
Dans le dernier cas, plusieurs griefs sont adressés à Apple. Son manque de transparence d’abord : le géant de Cupertino, en Californie, a passé sous silence les effets secondaires de ses mises à jour, de sorte que ses clients ont pu éprouver le besoin de changer de téléphone sans connaître la cause des ralentissements ressentis. Par ailleurs, le débat a fait ressurgir les critiques sur la conception de ses smartphones, qui rend complexe ou onéreuse le remplacement d’une pièce.
Un jeu dangereux
« Tout est fait pour créer une obsolescence fonctionnelle », déplore Héloïse Gaborel, de l’association France Nature Environnement. Particulièrement préoccupée par les conséquences environnementales de la surconsommation qui en découle (épuisement des ressources, rejets toxiques, etc.), elle rappelle que le délit d’obsolescence programmée est, depuis 2015, inscrit dans le droit français. Mais l’intentionnalité des constructeurs est difficile à prouver : « Ils vous diront toujours que les améliorations apportées visent à plus de sécurité, et que l’innovation répond à une attente des consommateurs… »
« Vu le taux d’équipement, déjà très élevé [73 % des Français de 12 ans et plus en sont équipés], les constructeurs n’ont d’autre choix pour assurer leur croissance que d’inciter les consommateurs à renouveler le plus souvent possible leur matériel », analyse Emmanuelle Le Nagard, professeur de marketing à l’Essec. D’où le rythme effréné des sorties de produits, et l’insistance des constructeurs à imposer au consommateur les dernières versions de leur logiciel afin d’entretenir un sentiment permanent de nouveauté. Mais c’est un jeu dangereux : « La vitesse à laquelle les consommateurs réagissent à ces questions d’obsolescence démontre qu’une méfiance globale s’est installée sur ce sujet. »