A « La Ruche », un espace de coworking insolite au coeur de Paris, où de jeunes entrepreneurs sociaux viennent rompre leur solitude et demander conseil à leurs pairs, le 31 juillet 2014. / PIERRE ANDRIEU / AFP

« Mes parents m’avaient payé des études et je commençais en service civique dans une association… Je culpabilisais un peu : ils craignaient que je mange des pâtes toute ma vie », se souvient Pauline Voldoire, diplômée de l’Ecole de management de Grenoble en 2012. Elle est désormais salariée d’Activ’Action, l’association pour chercheurs d’emploi qu’elle a cofondée, et ses parents soutiennent son engagement dans le domaine social.

Il y a trente ans, le pari était encore plus fou. Le « social business » n’existait pas, les études dans le secteur encore moins. Plus récemment, alors qu’il était étudiant à HEC et malgré un projet défini et des financements potentiels, Henri de Reboul n’arrivait pas à faire passer son idée de créer une ONG. « Je me suis proposé pour la filière entrepreneur, on m’a ri au nez, raconte-t-il. Chez mes parents, la dimension chrétienne les empêchait de rejeter complètement mon choix, mais ça a été conflictuel tout de même. »

Un choix courageux

Dans les années 2000, le marché du travail en la matière semblait encore assez binaire : « Tu étais soit Mère Teresa, bénévole toute ta vie, soit un tradeur qui roule en Porsche », caricature Alexandre Guilluy, diplômé de l’Edhec. Il a fallu toute l’ouverture d’esprit de ses parents pour accepter qu’il démarre sa carrière dans une association pour gamins des rues à Calcutta. « Il a fait le choix de ne pas gagner beaucoup d’argent, on le respecte ! », énonce Brigitte, sa mère.

Depuis une dizaine d’années, un entre-deux se crée entre Mère ­Teresa et le tradeur. Les entreprises sociales et les associations, qui se professionnalisent, embauchent pour leur communication ou leur contrôle de gestion. En parallèle, les masters d’économie sociale fleurissent. « Plus personne chez nous n’est critique d’une démarche comme ça, assure Isabelle Chevalier, de Neoma Business School, à Reims. Au contraire, on incite les étudiants à se libérer de leurs représentations sur les écoles de commerce. »

« Je passe pour l’illuminée qui veut changer le monde au lieu de faire de l’argent », affirme une jeune diplômée d’HEC

Thierry Sibieude trouve « courageux » les jeunes qu’il voit défiler depuis quinze ans dans sa chaire de l’Essec consacrée à l’entrepreneuriat social. « Dans un dîner, dire qu’on travaille chez JP Morgan ou chez Google, ça claque plus que chez Emmaüs Connect », résume-t-il. Parmi ses ouailles, beaucoup ont des parents de gauche ou investis dans la chose publique. Ainsi le père et la mère de Sarah Rozenberg, tous deux médecins. « Eux aussi ont décidé, d’une certaine façon, de ne pas devenir millionnaires pour faire le bien », expose cette diplômée d’HEC, salariée dans l’entrepreneuriat social. Ses amis d’enfance ont moins approuvé son choix : « Je passe pour l’illuminée qui veut changer le monde au lieu de faire de l’argent. »

Epanouissement personnel

Qualifiés de Bisounours, de naïfs ou de troubadours, ces jeunes acceptent de gagner de 40 % à 200 % de moins que leurs camarades de promotion, ce qui effraie les familles, comme le reconnaît Soline Canneva, diplômée de l’EM Lyon et salariée d’Atoll 75, une association d’insertion pour personnes sans abri : « Mon père m’a prévenue : si je poursuis dans cette voie, j’aurai du mal à payer comptant les études de mes enfants. Mais je préfère les élever dans un contexte épanoui plutôt que dans l’aigreur que je sens déjà chez des amis après quatre ou cinq ans d’expérience. »

En effet, avec la quête de sens qui se généralise, ces professionnels engagés commencent à faire envie. Alban Drouet, un ancien d’HEC, aide des habitants de Rio de Janeiro à améliorer leur logement par le biais de son agence Inova Urbis. Il analyse : « Nous sommes à une étape où les gens admirent ce qu’on fait, mais n’ont pas conscience qu’ils ont toute la liberté pour en faire autant. » A condition, ajoute-t-il, d’accepter moins de confort matériel.

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions au moment d’effectuer les voeux d’orientation, Le Monde organise les conférences O21/s’orienter au 21e siècle, à Nancy (1er et 2 décembre 2017), Lille (19 et 20 janvier 2018), Nantes (16 et 17 février 2018), Bordeaux (2 et 3 mars 2018) et Paris (17 et 18 mars 2018).

S’y ajoutent des salons étudiants : après le salon des grandes écoles (SAGE) et celui des formations artistiques START, organisés chaque année en novembre et décembre, le Salon des masters et mastères spécialisés (SAMS) est prévu le 27 janvier. A consulter également, notre rubrique Le Monde Campus, et tout particulièrement ses sous-rubriques APB / Parcoursup, O21 et Etudes supérieures.