Le débat aura été houleux, l’opposition tenace. Après quarante-trois heures d’obstruction parlementaire, le projet de loi sur les recommandations de la police a finalement été adopté par le Parlement israélien à 59 voix pour et 54 contre, dans la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 décembre. Soutenu par la coalition au gouvernement, le texte interdit à la police d’informer le procureur général de l’existence de motifs d’inculpation, dans le cadre d’enquêtes portant sur des personnalités publiques.

Porté par le député David Amsallem (parti de droite du Likoud), le projet de loi était considéré par l’opposition comme un moyen de protéger le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, des enquêtes pour corruption qui le touchent. En début de semaine, Yair Lapid, le chef du parti Yesh Atid (centre droit), avait d’ailleurs affirmé qu’une telle proposition de la loi était « une abomination » parce qu’elle « subordonn[ait] la démocratie israélienne aux besoins d’un seul homme », faisant ainsi référence à M. Nétanyahou.

Obstruction parlementaire

Afin de retarder le plus possible le vote de la loi en deuxième et troisième lectures, les partis d’opposition ont déposé 1 280 amendements et entamé une procédure d’obstruction parlementaire, dans la nuit du 25 au 26 décembre. Dès lors, les députés de l’Union sioniste et de Yesh Atid se sont succédé à la tribune, dans une assemblée parfois presque vide, pour repousser le vote au moment le plus opportun, avec un minimum de parlementaires de la coalition présents. Même si la loi a été adoptée, l’opposition israélienne aura au moins fait entendre sa voix, mobilisée autour de la lutte contre la corruption présumée du gouvernement.

A l’issue des résultats, Yair Lapid a annoncé qu’une pétition serait soumise à la Haute Cour de justice, dès jeudi matin. Le texte adopté « affecte sévèrement le principe d’égalité devant la loi, décrit la pétition. L’interdiction générale de délivrer des recommandations nuit de manière critique au droit de savoir du public, à la liberté de la presse ainsi qu’à la liberté d’expression ».

L’adoption du texte en première lecture, le 27 novembre, avait déjà discrédité le premier ministre. Le 2 décembre, 20 000 personnes manifestaient à Tel-Aviv contre la corruption du gouvernement. M. Nétanyahou avait alors demandé une révision du projet de loi pour en exclure les deux enquêtes dont il fait l’objet. La première, l’affaire 1000, concerne des cadeaux luxueux qu’il aurait reçus, pour lui et sa famille, de la part d’hommes d’affaires. Dans la seconde, l’affaire 2000, il est accusé d’avoir essayé de négocier une couverture plus favorable à son égard dans le quotidien Yedioth Ahronoth. Enfin, selon le journal Haaretz, la loi votée ne s’appliquera pas également pour l’affaire de la vente des sous-marins allemands, dans laquelle le premier ministre israélien n’est pas déclaré suspect.

Manifestations anticorruption

Après avoir été interrogé à sept reprises par la police sur ces deux cas présumés de corruption, ce dernier continue de nier les allégations contre lui, dénonçant plutôt une manœuvre des médias et de la gauche. Mardi 26 décembre, il a demandé à la dizaine de rabbins nationalistes religieux qu’il avait conviés de le soutenir dans les enquêtes menées contre lui. « Il y a des manœuvres politiques, qui utilisent les manifestations et d’autres moyens, pour renverser le gouvernement que nous dirigeons », leur a-t-il indiqué. Le 19 décembre, le député David Bitan, un de ses puissants soutiens au Likoud, donnait d’ailleurs sa démission du poste de chef de la coalition parlementaire après l’ouverture d’enquêtes pour corruption.

Alors que la police s’apprête à émettre des recommandations d’inculpation contre lui dans les affaires 1000 et 2000, Benyamin Nétanyahou a laissé entendre qu’elles seraient sans suite. Pourtant, son horizon politique s’assombrit. Depuis quatre samedis consécutifs, une « marche de la honte » rassemble des milliers de manifestants appelant à sa démission et à des autres membres « corrompus » du gouvernement. Et pour la première fois, le 23 décembre à Jérusalem, un rassemblement contre la corruption a attiré plusieurs centaines de militants de droite.