Impact des réseaux de métro sur l’attractivité des villes pour les investisseurs internationaux / Pierre-Henri Bono - LIEPP

La Silicon Valley ne crée pas autant de richesse que son potentiel le lui permet. Deux enseignants-chercheurs en économie aux Etats-Unis, Enrico Moretti et Chang-Tai Hsieh, ont même démontré que, proportionnellement, elle concourrait moins que Dallas ou Phoenix au PIB américain.

L’explication en est simple : San Francisco, Sacramento et Fresno ont adopté des législations extrêmement contraignantes concernant le nombre et la hauteur des bâtiments pour protéger le bien-être des habitants. Le prix du mètre carré a explosé et, malgré les hauts salaires proposés dans la Silicon Valley, les travailleurs ne peuvent s’y établir. Ils le peuvent d’autant moins qu’aucun système de transport ne leur permet de s’y rendre tous les jours, par exemple de Los Angeles.

« La Silicon Valley est probablement l’un des territoires au monde où les ressources sont le plus mal allouées : ceux qui prétendent y travailler ne peuvent ni s’y loger ni y accéder. La mobilité sociale, le développement, l’innovation et les nouveaux projets sont freinés, observe Rodolphe Desbordes, professeur d’économie à la Skema Business School. Enrico Moretti et Chang-Tai Hsieh ont d’ailleurs montré que la croissance de San Francisco et de la Silicon Valley est actuellement entre 15 et 30 % au-dessous de leur potentiel ». Selon ces deux chercheurs, Londres ou Tokyo sont, proportionnellement, plus productives que la Silicon Valley ou New York, en raison, d’abord, de leurs réseaux de transports.

Alors que cette idée s’est récemment imposée, restait à évaluer l’impact des réseaux de transports sur l’économie de métropoles comparables. Dans une étude parue en décembre, quatre économistes français, Pierre-Henri Bono, Quentin David, Rodolphe Desbordes et Loriane Py, s’y sont attelés, en prenant en compte les investissements étrangers. « Il n’existait jusqu’alors aucune étude scientifique qui, en confrontant des villes comparables, mettait en évidence les liens entre investissements étrangers sur un territoire et caractéristiques de celui-ci, en particulier son réseau de transports et sa qualité », relève Rodolphe Desbordes.

Les quatre économistes ont donc collecté toutes les données d’investissements directs étrangers, ou « IDE », aussi appelés « Greenfields », dans trois mille villes à travers le monde. Parallèlement, ils ont collecté toutes les données de transports et ont pris en compte les réseaux ferrés dans un rayon de dix kilomètres autour du centre-ville ainsi que les aéroports dans un rayon de 50 kilomètres. Avec une double idée en tête : une ville, qui a un bon réseau de transports, attire-t-elle plus d’IDE qu’une autre ville comparable ? Les investissements étrangers augmentent-ils sur son territoire, si son réseau de transports croît ?

Double importance

« La réponse est oui dans les deux cas, assure Rodolphe Desbordes. Entre deux villes ayant le même potentiel, celle qui construit le plus de lignes de métro est toujours celle qui gagne. L’écart est de 15 %. En clair, une ville qui a un réseau deux fois plus important qu’une autre comparable aura 15 % d’IDE en plus par an. » Une seule ville au monde attire les investissements étrangers sans avoir de métro : Dublin. Pour toutes les autres, et même pour les nouvelles villes chinoises, la conclusion est la même : le réseau de transport attire les IDE. Et plus il est long, plus les IDE arrivent.

L’étude a été réalisée à partir de données de 2003-2014. Période marquée par la crise de 2008, au cours de laquelle le Grand Paris a connu en moyenne 110 IDE par an, créant 900 emplois. Depuis deux ans, la moyenne semble se situer aux alentours de 120 projets par an. Le Grand Paris Express en ajouterait 18 par an, soit 200 en dix ans. Et un peu plus de 10 000 emplois seraient créés au cours de la décennie.

« Les IDE ont une double importance, insiste Rodolphe Desbordes. D’abord ils créent des emplois nets et ne détruisent pas l’emploi local. Au contraire, ils l’accroissent. Mais surtout, ils entraînent les investisseurs locaux. Les étrangers sont toujours plus réactifs que les nationaux. Une métropole qui attire plus d’investisseurs étrangers que ses rivales envoie un signe fort aux locaux. Lesquels comprennent parfaitement qu’un investisseur international est mobile et logique, et ne vient pas au hasard. »