Bernard Tapie prêt à céder un tiers de « Corse-Matin »
Bernard Tapie prêt à céder un tiers de « Corse-Matin »
LE MONDE ECONOMIE
Les discussions entamées durant l’été avec l’un des plus importants consortium d’entrepreneurs corses sont en voie d’achèvement.
L’affaire est quasiment bouclée. Bernard Tapie s’apprête à céder un tiers (35 % des parts) du journal Corse-Matin, dont il est, depuis 2014, l’unique propriétaire par le biais du groupe La Provence. « Il n’y a plus de suspense », a déclaré le patron du groupe de presse marseillais. Les discussions entamées durant l’été avec CM Holding, un consortium d’entrepreneurs corses, sont entrées en phase de négociations exclusives et en voie d’achèvement.
Ainsi que l’annonçaient Corse-Matin et La Provence jeudi 28 décembre, la holding présidée par l’homme d’affaires corse François Padrona devrait entrer au capital de la société Corse Presse dans le courant du premier trimestre 2018. « Si les discussions se concluent positivement, ce qui semble être le scénario le plus probable, notre prise de participation sera effective dès le premier trimestre 2018 », a confirmé le consortium dans un communiqué publié le 28 décembre.
CM Holding, qui regroupe une kyrielle d’environ 140 entreprises corses de tailles différentes, est contrôlée par une quinzaine d’entrepreneurs, parmi les plus importants de l’île. Son numéro un, François Padrona, 53 ans, dirige la société Linea Voyages. Il est également PDG des magasins Leclerc à Ajaccio et mandataire dans une quinzaine de conseils d’administration. Un des administrateurs de CM Holding, Antony Perrino, 38 ans, est l’un des principaux acteurs du secteur immobilier et du BTP insulaire. Patron de l’entreprise du même nom, il est le fils de François Perrino, ancien vice-président de la chambre de commerce et d’industrie de Corse-du-Sud, qui fut également président de la fédération départementale du BTP. Enfin, le patron du Medef de l’île, Charles Zuccarelli, 45 ans, siège lui aussi au conseil d’administration du consortium.
« La World Company corse »
Propriétaire de la compagnie de ferrys Corsica Linea, créée il y a 18 mois au moment de la reprise de la Société nationale maritime Corse-Méditérranée (SNCM), CM Holding deviendra actionnaire minoritaire de Corse Presse pour une somme dont le montant n’a pas été communiqué. Selon François Padrona, son groupe « aspire à défendre un certain nombre d’institutions indispensables à la vie de l’île au quotidien ». Et Corse-Matin, unique quotidien insulaire vendu chaque jour à un peu plus de 32 000 exemplaires, reste le journal au plus fort taux de pénétration localement. Si ses ventes affichent un recul de plus 2 % sur l’exercice 2016-2017 et si ses pertes financières sont encore importantes (environ 200 000 euros), le journal n’en demeure pas moins une institution corse.
Pour Bernard Tapie, le résultat des élections de décembre qui ont consacré la victoire des nationalistes à la collectivité territoriale de Corse « justifie encore plus l’entrée au capital de gens qui vivent pleinement la Corse. (…) Il est bon qu’un des actionnaires ait la réalité de la vie dans l’âme, dans les veines, dans le cerveau ». Le célèbre entrepreneur, âgé de 74 ans et atteint d’un cancer, a été renvoyé à la mi-décembre en correctionnelle pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics » dans l’affaire de l’arbitrage de son litige avec le Crédit lyonnais.
A la rédaction de Corse-Matin, qui jusqu’à ces derniers jours n’avait pas été prévenue de la transaction en cours, la nouvelle suscite certaines inquiétudes. « C’est la World Company corse qui s’offre son journal », ironisait un rédacteur qui préfère garder l’anonymat. « C’est notre CAC 40 à nous », renchérissait un autre, qui voit dans cette opération une dangereuse « concentration des pouvoirs » entre les mains de quelques grosses fortunes de l’île.
Selon plusieurs journalistes joints par Le Monde, depuis son arrivée Bernard Tapie n’est jamais intervenu sur le moindre papier. En sera-t-il de même avec les nouveaux actionnaires ? A les en croire, ils n’ont pas l’intention de modifier la ligne éditoriale du journal. « Son indépendance rédactionnelle sera garantie », a affirmé François Padrona. Celui-ci a assuré que le nouvel actionnaire limiterait son rôle aux domaines de la gestion et du développement. Un comité d’entreprise a été convoqué pour vendredi 5 janvier.