Momix mixe son meilleur
Momix mixe son meilleur
Par Rosita Boisseau
La compagnie américaine présente un best of de ses spectacles au Théâtre des Champs-Elysées à Paris.
C’est multicolore, illusionniste, magique. Mais encore acrobatique, glamour, à paillettes et torse nu. Mais aussi beau, zen, bizarre et drôle. Une étrange alchimie, un drôle de trafic, c’est Viva Momix Forever, le best of de la compagnie américaine Momix, pilotée depuis trente-sept ans par Moses Pendleton et pour la première fois à l’affiche à Paris.
Le show le plus impossible à cataloguer de la scène chorégraphique est au Théâtre des Champs-Elysées, jusqu’au 7 janvier. Porté par dix interprètes, il compile plus de trente années de recherche en quinze extraits de huit spectacles. Et si l’on saute parfois du coq à l’âne, l’ensemble emporte le public dans l’euphorie, celui d’une illumination permanente qui tente de faire léviter le réel avec l’artisanat du théâtre.
Viva Momix Forever
Durée : 00:32
A raison de quelques minutes par tableau, cette playlist très clippée file vite. Sur des musiques pop ou planantes le plus souvent, elle ne reprend jamais son souffle entre les morceaux. Une femme glissée dans une robe abat-jour se libère de sa prison, puis de sa cage avant de décoller comme une immense créature marine. Trois danseuses chevauchent des ballons de baudruche blancs… Onirisme fantaisiste parfois explosé par une irruption de burlesque – le numéro de cow-boys appareillés avec des échasses est très étonnant –, goût intense du jeu et des accessoires, Pendleton se pose à un carrefour peu fréquenté. Danse, cirque, cabaret, théâtre d’objets, art optique, marionnette, il se sert de tout en sachant doser les ingrédients.
Un pur mirage visuel
Le style Momix s’inscrit dans une lignée : celle du maître Alwin Nikolais (1910-1993), champion multimedia avant l’heure, et de Loïe Fuller (1862-1928) aux voiles-écrans de projections. La valorisation des costumes et des agrès, toujours mobiles, impose aux interprètes une chorégraphie souvent limitée, inversement proportionnelle à l’énergie qu’ils déploient. Le propos de Pendleton, comme de ses prédécesseurs, n’est pas dans l’originalité du mouvement mais dans le pur mirage visuel posé sur scène. Celui qui se passionne pour les arts plastiques avec « une approche plus sculpturale que dansée » fait surgir un ballet de formes hypnotiques dont le corps de l’interprète est un maillon fort.
L’inspiration de Moses Pendleton, 68 ans, est d’abord et avant tout végétale et animale. Marigolds rappelle les champs de marguerites qu’il cultive. Aqua Flora se souvient de la vision d’une toile d’araignée pleine de rosée…« Je ne devrais créditer que la nature pour tous mes spectacles !» s’exclame-t-il. Rien que d’évident pour ce fils de fermier, grandi dans le Vermont (USA), qui se voyait bien prendre la suite de son père à la tête de son Intertitreélevage de vaches. Il évoque régulièrement la ferme de son enfance et raconte, en riant, l’une de ses premières performances lorsqu’il était adolescent. « Je m’étais déguisé en fantôme et un troupeau descendait d’une colline en me poursuivant face au public qui était posté dans le champ d’en face, décrit-il. Je suis un cowgrapher ! ».
Complément lacté
Après le décès de son père lorsqu’il a 12 ans, le voilà transplanté dans la montagne et sur les pistes de ski. Un accident à 17 ans le pousse dans un studio de danse pour se refaire une santé. Il commence à créer des petits spectacles à la fin des années 1960. « On était en plein dans le mouvement contre la guerre au Vietnam, se souvient-il. Nous étions très anti-establishment, anti-business, dans la mouvance psychédélique en vogue à l’époque. » Dès 1971, sa première pièce est programmée par Alwin Nikolais à New York. La même année, il fonde le Pilobolus Danse Theatre, puis en 1980, Momix.
Mais pourquoi Momix ? Pour au moins deux raisons. La première remonte au fameux troupeau : il s’agit d’un complément lacté que l’on donnait aux veaux. La seconde loin derrière, c’est que le terme accole « Mo » de Moses et « mix ». Aujourd’hui, Pendleton vit à la campagne, dans une immense ferme comptant 22 chambres, située dans le Connecticut. Avec sa femme Cynthia Quinn, il y travaille et accueille ses danseurs qui collaborent de près à la concrétisation de ses accessoires et spectacles. Parallèlement à la présentation de Viva Momix Forever, à Paris, une seconde troupe attaque une tournée aux Etats-Unis à partir de janvier avec le spectacle Opus Cactus, consacré au sud-ouest américain et aux... cactus.
Viva Momix Forever, de Moses Pendleton. Jusqu’au 7 janvier, 20 h.Théâtre des Champs-Elysées, Paris. Tél.: 01 49 52 50 50. De 15 à 95 euros.