Notre-Dame-des-Landes : le premier ministre veut déminer le dossier auprès des élus locaux
Notre-Dame-des-Landes : le premier ministre veut déminer le dossier auprès des élus locaux
Par Rémi Barroux
Les rencontres successives avec sénateurs, députés et maires de Loire-Atlantique doivent permettre à l’exécutif de décider de l’avenir du projet.
Il était un peu plus de 18 heures, vendredi 5 janvier, quand la délégation d’une trentaine de maires de communes de Loire-Atlantique est sortie de Matignon. Ils venaient d’échanger avec le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et avec le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, sur le projet de construction de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Deux heures de discussion pour aborder les inconvénients et les avantages des deux solutions encore sur la table, et retenues dans le rapport des médiateurs remis au gouvernement trois semaines plus tôt : le maintien du projet d’une nouvelle plate-forme aéroportuaire sur la commune de Notre-Dame-des-Landes, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, ou le réaménagement de l’actuelle infrastructure de Nantes Atlantique.
En fin de matinée, deux sénateurs (sur les cinq du département) avaient aussi été reçus, suivis, en début d’après-midi, par les dix députés de Loire-Atlantique – neuf issus des rangs de La République en marche (LRM) et une MoDem.
Edouard Philippe, Nicolas Hulot et François de Rugy s’entretiennent dans des élus de Loire-Atlantique sur le projet controversé de nouvel aéroport dans ce département. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
A chaque fois, l’exercice fut le même pour le premier ministre : assurer qu’aucun choix n’était fait et que les arguments entendus permettraient au président de la République de trancher sur ce dossier vieux d’une cinquantaine d’années et dont la déclaration d’utilité publique arrive à échéance le 8 février.
Inquiétude face à l’abandon éventuel du projet
Emmanuel Macron s’est engagé à annoncer sa décision avant la fin du mois de janvier. D’autres consultations sont encore prévues, lundi 8 janvier, cette fois avec les élus d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, mardi avec ceux du Maine-et-Loire, de Mayenne et de Vendée.
Cette série de consultations doit se conclure, le 12 janvier, par la rencontre avec les responsables du Syndicat mixte aéroportuaire (SMA), qui regroupe les vingt collectivités locales bretonnes et ligériennes investies dans le projet de nouvel aéroport du Grand Ouest, notamment la maire socialiste de Nantes Johanna Rolland, la présidente (Les Républicains, LR) de la région Pays de la Loire Christelle Morançais, et le président du conseil départemental (PS) de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet.
Cette dernière réunion sera sans doute la plus délicate, tant les élus responsables du SMA sont farouchement en faveur du projet de transfert de l’actuel aéroport et inquiets de la tournure que prennent les événements.
En effet, alors que la déclaration d’utilité publique a été publiée voici bientôt dix ans, que les décisions de justice ont été quasiment toutes favorables au projet et qu’une consultation locale, sur le département de Loire-Atlantique, a exprimé une majorité de 55 % des voix en faveur du transfert de l’aéroport, en juin 2016, rappellent-ils, l’hypothèse de l’abandon du projet et du réaménagement de Nantes Atlantique n’a jamais été aussi plausible.
Hulot : « On choisira la solution la moins mauvaise »
Tout l’art du premier ministre, durant cette journée de vendredi, fut donc de laisser entendre que le dossier n’était pas clos. Il fallait rassurer, déminer le terrain politique avec des élus, dans leur très grande majorité, et quelle que soit leur tendance politique, PS ou LR, favorables au projet. Et donner tout son sens à ces consultations qui pourraient se prolonger au-delà de la semaine prochaine, M. Philippe ayant expliqué aux maires, qu’il entendrait si nécessaire des élus absents lors de ces réunions parisiennes, la semaine suivant la dernière séance du 12 janvier.
Le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot et le premier ministre Edouard Philippe, à Matignon, le 5 janvier. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
« Je suis convaincu que le choix n’est pas fait, qu’il le sera après cet échange collectif très positif », voulait croire à la sortie de Matignon, Yves Daniel, député (LRM) de la 6e circonscription, celle de Notre-Dame-des-Landes. « Je suis favorable au projet de transfert, ancien agriculteur bio et membre de la Confédération paysanne, cherchez l’erreur », s’amuse à préciser le député.
« Le premier ministre nous a dit que la décision n’était pas prise et qu’elle serait difficile à prendre, il a été suffisamment habile pour ne pas donner l’impression que le choix était fait », déclarait Fabrice Roussel, maire (PS) de La Chapelle-sur-Erdre et vice-président de Nantes-Métropole. « On choisira la solution la moins mauvaise », leur aurait affirmé Nicolas Hulot.
L’évacuation de la ZAD se fera
Pour autant, de nombreux élus avaient du mal à cacher leur inquiétude. « Si le transfert de l’aéroport ne se fait pas, ce sera une légalisation du zadisme et des occupants [la ZAD, zone d’aménagement différé, devenue zone à défendre pour les opposants au projet] », dénonçait Sophie Errante, députée (LRM) de la 10e circonscription.
Que l’aéroport se fasse à Notre-Dame-des-Landes ou reste à Nantes Atlantique, l’évacuation de la ZAD se fera, a réaffirmé le premier ministre. De quoi rassurer, mais pas forcément contenter, tous les élus. « J’ai milité contre le projet de transfert, mais il faut repartir d’une page blanche et, pour cela, il faut tourner la page de la ZAD, la vider », avançait Sarah Elhairy, députée (MoDem) de la 5e circonscription.
« Mais l’évacuation ne se fera pas dans les mêmes conditions s’il faut expulser les zadistes pour construire un aéroport, ou si c’est pour rétablir la légalité alors qu’il n’y a plus aucune raison d’occuper cette zone », résumait aussi bien Aude Amadou, députée (LRM) de la 4e circonscription, plutôt favorable au transfert, que François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, député (LRM) de la 1re circonscription, et opposant depuis 1998 au projet de Notre-Dame-des-Landes.