L’addiction des enfants aux iPhone, comparable à « la malbouffe »
L’addiction des enfants aux iPhone, comparable à « la malbouffe »
Par Jérôme Marin (San Francisco, correspondance)
Deux actionnaires d’Apple demandent à l’entreprise californienne de lutter contre l’addiction des plus jeunes à ses smartphones.
A Seattle (Washington), en 2010. / MARCUS DONNER / REUTERS
La démarche est inédite. Samedi 6 janvier, deux actionnaires d’Apple ont adressé un courrier à la direction du groupe pour lui demander de lutter contre l’addiction des plus jeunes à l’iPhone. Selon eux, le problème n’est pas seulement un enjeu de santé publique, qui alarme un nombre croissant de professionnels ; il représente également une menace pour la réputation de la société et, donc, pour le cours de son action en Bourse.
« Il n’existe aucune raison de ne pas agir de manière proactive », assurent, dans cette missive, CalSTRS, le fonds de pension des enseignants californiens, et Jana Partners, un redoutable fonds activiste. Chez Apple, leur influence reste très faible, puisqu’ils ne possèdent que 0,2 % du capital. Le groupe à la pomme n’a pas encore répondu à leur démarche.
Selon les estimations du cabinet eMarketer, près de la moitié des enfants de moins de 11 ans possèdent un smartphone aux Etats-Unis. Cette proportion grimpe à 90 % chez les 12-17 ans. D’après l’organisation Common Sense Media, 78 % des adolescents états-uniens utilisent leur téléphone au moins une fois par heure. Et 50 % d’entre eux reconnaissent une dépendance.
« Réduire le nombre d’applications sociales disponibles »
« Les comportements et les états émotionnels des adolescents ont brutalement changé à partir de 2012 », explique la psychologue Jean Twenge dans son livre iGen (Atria Books, 2017, non traduit). Préférant leur smartphone, ils voient moins souvent leurs amis, ont moins de relations amoureuses et ne passent plus leur permis de conduire dès que possible. « Plus un adolescent passe de temps devant un écran, et plus il est probable qu’il devienne malheureux ou contracte des symptômes de dépression », ajoute Mme Twenge.
« Cela serait défier le bon sens que d’affirmer que le fabricant d’un produit si puissant n’a pas de rôle à jouer pour aider les parents », écrivent CalSTRS et Jana. Pour les deux investisseurs, « on ne peut pas demander aux parents de gagner seuls cette bataille ». Ils préconisent ainsi la mise en place d’options plus poussées de contrôle parental permettant, par exemple, « de limiter le temps d’utilisation, d’interdire l’usage à certaines heures et de réduire le nombre d’applications sociales disponibles ». A long terme, ces mesures « créeraient de la valeur pour les actionnaires », avancent-ils.
« Nous prenons cette responsabilité très au sérieux »
Apple n’est pas la seule société concernée par ce problème. Facebook, Snapchat, Google ou Netflix contribuent grandement à l’addiction des enfants et des adolescents. Pour le moment, ces entreprises n’ont pas été interpellées par leurs actionnaires. L’initiative de CalSTRS et Jana pourrait cependant faire des émules. Pour Scott Galloway, professeur de l’université de New York, qui réclame davantage de régulation et des messages d’avertissement, il faut aller beaucoup plus loin :
« Les fabricants d’appareils et les plates-formes sociales devraient être traités comme la malbouffe. »
En réponse à la polémique née de la missive de ses actionnaires, Apple a assuré, lundi 8 janvier, avoir « toujours fait attention aux enfants ». L’entreprise précise que, depuis 2008, les logiciels installés sur ses iPhone permettent aux parents de contrôler à quels jeux, films, applications et autres contenus leurs enfants peuvent avoir accès. « Nous réfléchissons vraiment à la manière dont nos produits sont utilisés et de l’incidence qu’ils ont sur les utilisateurs et leur entourage », souligne le groupe dans un communiqué. « Nous prenons cette responsabilité très au sérieux et nous sommes déterminés à répondre, voire à dépasser les attentes de nos clients, surtout quand il s’agit de protéger les enfants. »