Edouard Philippe et Gérard Collomb, à Paris, le 21 décembre. / THOMAS SAMSON / AFP

La trame de la loi asile-immigration, telle qu’elle a été communiquée aux associations et devait être présentée par le premier ministre Edouard Philippe jeudi 11 janvier au monde associatif, inscrit la politique française dans une dissuasion migratoire systématique. Le texte définitif, qui devrait être présenté en février en conseil des ministres, ne s’inscrit pas vraiment dans l’approche « mieux accueillir les réfugiés » et « mieux renvoyer » sur lequel le gouvernement communique, préférant le tout-répressif.

D’abord, le texte instaure une véritable course contre la montre pour le demandeur d’asile. Alors qu’il disposait jusqu’à présent de 120 jours pour déposer son dossier, désormais il n’aura plus que 90 jours pour le faire. De plus, un demandeur débouté par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ne disposera ensuite que de deux semaines, au lieu d’un mois, pour déposer son recours. Deux points délicats, sachant qu’il faut aujourd’hui environ 30 jours ouvrés pour accéder à un rendez-vous en préfecture. Responsable du droit des étrangers au Secours catholique, Laurent Giovannoni regrette que rien ne soit proposé dans le texte pour réduire cette attente qui se passe sur les trottoirs. « On nous dit qu’on veut réduire les délais de la demande d’asile et on ne propose rien dans un projet de loi pour organiser mieux l’accueil dans les préfectures ! », s’insurge-t-il.

En fait, le ministère a prévu 150 postes de plus au budget 2018 pour les agents de préfectures, mais ils ont été absorbés par d’autres injonctions ministérielles et notamment la très lourde gestion des « dublinés », ces migrants qui voudraient demander l’asile en France, mais que l’on tente d’éloigner parce qu’ils ont laissé leurs empreintes ailleurs en Europe. « Un projet de loi qui se veut efficace devrait aussi aborder ce problème qui interroge tout le système. Mais le texte qu’on nous propose est un faux-semblant », ajoute M. Giovannoni, déçu.

« Une ligne plus dure que Nicolas Sarkozy »

Côté privation de liberté, les observateurs doutent aussi que la ligne choisie permette vraiment de multiplier les renvois. La durée maximale des séjours en rétention administrative va passer de 45 à 90 jours, et même à 115 jours. Depuis que ce doublement a été évoqué, les associations présentes dans les centres de rétention ont à maintes reprises rappelé que les deux tiers des expulsions ont lieu dans les douze premiers jours d’enfermement, mais cela n’a rien changé. « On voit bien qu’il s’agit de donner un signal plus que d’être efficace. Le gouvernement veut avant tout dissuader les migrants de venir en France », analyse Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes.

Selon lui, « nous sommes dans la veine des lois de Charles Pasqua… Gérard Collomb est sur une ligne plus dure que Nicolas Sarkozy qui prétendait équilibrer ses textes. Dans sa loi de 2003, le durcissement des conditions d’entrée et d’éloignement était compensé par la prétendue abolition de la “double peine” ou l’instauration du contrat d’accueil et d’intégration. En 2006, il était question de favoriser l’immigration “choisie”, y compris en régularisant des travailleurs sans papiers. Là, nous sommes dans un durcissement général des procédures, y compris et surtout pour les demandeurs d’asile ». Le juriste ne constate que quelques petites améliorations dans l’accès à des titres pluriannuels d’une partie des réfugiés et une extension de la réunification familiale pour les frères et sœurs des réfugiés mineurs.

Pour compléter ce tableau, la chasse aux sans-papiers sera elle aussi simplifiée puisque la retenue administrative pour vérification du droit au séjour sera augmentée de 16 à 24 heures et les « pouvoirs d’investigation » des policiers seront renforcés. Les associations, auxquelles les grandes lignes de ce texte avaient été divulguées dès le mois d’octobre, n’y voient donc aucun changement. Preuve qu’elles n’ont pas été écoutées. Seul le concept de « pays tiers sûr » a été enlevé. S’il était resté, c’était la fin du droit d’asile avec la possibilité de renvoyer des demandeurs hors Europe sans même étudier leur dossier.