Maria Sharapova après sa victoire, mardi 16 janvier à Melbourne, contre l’Allemande Tatjana Maria. / GREG WOOD / AFP

La dernière fois que Maria Sharapova avait posé ses raquettes à Melbourne, en janvier 2016, c’était pour s’incliner en quarts de finale contre Serena Williams. Et surtout pour être condamnée cinq mois plus tard à une suspension de deux ans par la Fédération de tennis internationale, sanction qui fut réduite à quinze mois ; le tribunal arbitral du sport ayant jugé plus tard que la championne russe n’avait pas commis de « faute importante ». Sharapova avait elle-même annoncé avoir été contrôlée positive au meldonium, à l’Open d’Australie. Ce médicament a été inscrit en décembre 2015 sur la liste des produits prohibés par l’Agence mondiale antidopage. Ce que Sharapova ignorait, selon ses affirmations.

Dix ans après son unique victoire dans ce tournoi, il faut croire que la cognée de la tsarine et ses fameux râles de film d’épouvante ont manqué au public australien. La Margaret Court Arena est copieusement garnie à l’heure du déjeuner, mardi 16 janvier, pour assister à la victoire de Sharapova contre Maria, Tatjana de son prénom, une Allemande émargeant au 47e rang mondial, soit une unité devant celle qui fut no 1 à 18 ans.

Témoignages d’amour

Le match entre néotrentenaires tourne rapidement à l’avantage de la Russe, qui s’impose 6-1 dans la première manche, est menée d’un break dans la deuxième, qu’elle brise pour l’emporter 6-4 en concluant sur un ace. La revenante salue les spectateurs avec la grâce d’une ballerine du Bolchoï, distribue quelques baisers à la volée, se saisit d’une perche pour offrir un selfie. Les témoignages d’amour à son endroit se sont multipliés dans les gradins, des « Let’s Go Maria, Let’s Go ! » scandés par les locaux à cette banderole affectueuse sur fond de drapeau russe déployée par trois fans chinois.

De quoi aller droit au cœur de celle qui passe pourtant pour un personnage aussi glacial qu’arrogant. Les réactions de ses pair·e·s à sa mésaventure médicamenteuse, absence de soutien ou franche condamnation, ont révélé le peu de sympathie quelle inspire sur le circuit. La plus virulente est venue de l’ancienne championne américaine Jennifer Capriati qui a demandé que ses 35 titres – dont cinq de Grand Chelem – soient retirés à Sharapova. Seule la Fédération russe a pris sa défense, sur un mode quelque peu complotiste.

Les innombrables sponsors de cette joueuse qui est aussi une marque ont pris de la distance, à l’exception d’un équipementier américain. Ironiquement, Sharapova est revenue sur le circuit WTA en avril 2017 à l’occasion d’un tournoi financé par l’un d’eux, le Porsche Tennis Grand Prix de Stuttgart, qui lui a accordé une invitation. Sésame qui lui fut en revanche refusée pour Roland-Garros. « Rien ne m’empêchera d’accomplir mes rêves », s’est contentée de réagir la bannie sur les réseaux sociaux.

Tapis rouge

Blessée pour Wimbledon, Sharapova a fait son retour dans un tournoi de Grand Chelem à l’US Open, en battant au premier tour l’actuelle no 1 mondiale, la Roumaine Simona Halep. En octobre, elle a remporté le tournoi de Tianjin, en Chine, son premier titre depuis sa suspension. A Melbourne, elle sera opposée au deuxième tour à la Lettonne Anastasija Sevastova, tête de série no 14.

Du côté des organisateurs de l’Open d’Australie de Melbourne, tout est pardonné et appartient déjà à l’histoire ancienne. Prescription pour la proscrite. C’est avec le tapis rouge que Sharapova a été accueillie, en se substituant même à Serena Williams, vainqueure de l’édition précédente et forfait pour cause de maternité, pour la cérémonie du tirage au sort. Au côté de Roger Federer, qui avait plaidé pour une « tolérance zéro » en ce qui la concernait…

Interrogé pour savoir si ce choix était judicieux, le directeur du tournoi, Craig Tiley, a estimé que « pour être juste avec Maria, le jugement a été prononcé (…) Maria mérite cette occasion ». Après sa victoire mardi, la Russe s’est refusé à tout commentaire sur les critiques autour de sa présence à la cérémonie. Mais elle a réagi à une question sur la campagne #MeToo, à laquelle elle apporte son soutien, en précisant n’avoir jamais été victime de harcèlement sexuel dans le cadre de son métier.