Au lycée du Parc à Lyon, réputé pour ses classes préparatoires aux grandes écoles. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Les élèves de prépas économiques et commerciales sont des « jeunes comme les autres » qui font du sport, sont accros aux séries américaines, s’intéressent à l’actualité ou lisent des romans contemporains, selon une enquête menée par l’EDHEC NewGen Talent Centre, qui se définit comme « un centre d’expertise sur les aspirations professionnelles, les comportements et les compétences des nouvelles générations de talents ».

Malgré l’intensité du travail qui leur est imposée, et la perspective de passer les concours à l’issue de leurs deux, et parfois trois, années de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), les trois quarts de ces élèves ont ainsi conservé une activité extrascolaire (en premier lieu la pratique d’un sport, devant l’engagement bénévole dans une association et des activités artistiques), indique l’édition 2018 de « Ma vie de prépa ». Il s’agit d’une monographie des élèves de classes préparatoires aux 24 grandes écoles de management de la Banque commune d’épreuves, auxquels ont répondu 1 275 élèves en mai 2017, puis 2 774 en juin 2017 (51 % de femmes et 49 % d’hommes). Et s’ils constatent que les années prépa sont avant tout celles où l’on apprend à repousser ses limites et où leur capacité de travail se développe, leurs ambitions ne sont pas d’abord marquées du sceau de l’individualisme.

Motivés par la défense d’une cause

A rebours des représentations classiques, 60 % des élèves de classes préparatoires aux écoles de commerce estiment que « pour gagner, il faut être motivé par la défense d’une cause », soit davantage que ceux qui s’appuient sur le plaisir de la compétition (21 %), la reconnaissance (13 %), l’obtention d’un statut (5 %), et l’argent est cité par seulement 2 % des répondants. Priés de citer les qualités nécessaires pour réussir, 59 % d’entre eux disent l’importance d’« être fidèle à ses valeurs », alors que 18 % mentionnent l’ambition, 12 % leurs envies, 10 % leur entourage et seulement 2 % à l’entreprise qui les emploierait.

« La désirabilité sociale existe, mais ces résultats sont assez conformes à ce que l’on constate dans les jurys des épreuves orales à l’EDHEC comme dans les autres écoles de commerce, explique Manuelle Malot, directrice de l’EDHEC NewGen Talent Centre. De plus en plus d’élèves valorisent le collectif et le collaboratif depuis une dizaine d’années, et le début de la crise en 2008. Il y a vingt ans, nous aurions probablement eu des candidats beaucoup plus individualistes. » Une étude précédente publiée par le centre en juin 2017 montrait d’ailleurs une envolée du souhait de travailler dans le secteur de l’économie sociale et solidaire – ainsi que des ONG ou de l’administration –, ce souhait étant partagé par 23 % des élèves, contre 14 % en 2014.

L’analyse de leurs réponses montre aussi, explique-t-elle, que « les nouvelles technologies sont pour eux une opportunité de transformer l’entreprise afin d’améliorer la transition énergétique et les relations au travail ». Car si leur image de l’entreprise est globalement bonne, « ils trouvent que les entreprises, les grandes en particulier, sont un peu un monde ancien, pas en avance pour intégrer les nouveaux outils technologiques », ajoute Mme Malot.

Moins d’activités extrascolaires pour les jeunes femmes

Malgré leur charge de travail, les élèves de prépa s’accordent un temps de loisir qu’ils estiment à 6 h 43 par semaine en moyenne, la première année, et à 4 h 41 en deuxième année. Ce temps est inégalement réparti, néanmoins. Les jeunes femmes sont moins nombreuses (72 %) que leurs collègues masculins (76 %) a concilier prépa et activité extrascolaire, et elles y consacrent une heure de moins, en moyenne en première année de prépa (6 h 19 au lieu de 7 h 19), comme en deuxième année (4 h 16 au lieu de 5 h 20).

Ce « sérieux » supplémentaire des jeunes femmes est à relier au fait qu’elles ressentent davantage la pression, l’évaluant à 6,9 et les garçons à 6,3 (sur une échelle de 10), selon ce sondage. Elles sont aussi moins nombreuses que les jeunes hommes à juger que cette mise sous tension a un effet motivant plutôt que stérile. L’expérience est d’ailleurs jugée moins agréable, moins épanouissante et moins heureuse par les jeunes femmes interrogées, comme le montre ce graphique tiré de l’étude :

Le jugement des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles de management sur leurs deux ans d’études, au moment des concours. Une note au-dessus de +1 est considérée comme un indicateur de satisfaction. Dans chaque couleur, les jeunes femmes sont représentées par les tonalités plus foncées, les jeunes hommes par les tonalités plus claires. / EDHEC NewGen Talent Centre

Un rythme de travail qui teste les limites

Ce que l’on apprend en premier en prépa, soulignent les élèves, c’est sa capacité à repousser ses propres limites, intellectuelles et physiques (19 % des sondés font cette réponse), devant la rigueur au travail (15 %), la culture générale (14 %) ou l’organisation du travail (13 %). Un vrai parcours du combattant. En conséquence, la qualité la plus utile développée en prépa est, selon eux, la capacité de travail (97 % la citent, parmi plusieurs réponses possibles), devant la persévérance (93 %) ou l’adaptabilité (91 %). Au milieu de ces années exigeantes, les sources de bien-être des élèves restent encore l’envie de se dépasser (90 % la citent, parmi plusieurs réponses possibles), la stimulation intellectuelle (89 %) ou le soutien des proches (87 %).

Si le travail en prépa comporte, donc, de dures exigences, ses élèves ne se sentent pas pour autant mis à l’écart par leur investissement dans le travail, ou atteints dans leur personnalité : 73 % se considèrent par exemple comme extravertis (contre 27 % introvertis), ou 78 % se disent modernes plutôt que classiques (22 %).

Un goût pour les séries ou l’actualité

Enfin, loin de s’enfermer pour travailler, les élèves de prépa ont suivi l’actualité : Emmanuel Macron est la personnalité qui les a le plus marqués en 2017 (cité par 46 % des jeunes hommes, et 41 % des jeunes femmes) devant Donald Trump (13 et 20 %). Ensuite viennent Elon Musk, le patron de Tesla cité par 6 % des garçons, et l’ancien président américain Barack Obama, évoqué par 2 % des jeunes femmes. Les uns et les autres sont fans de séries et, celles qu’ils citent sont à 84 % américaines, leurs préférées étant Game of Thrones, suivie de House of Cards, Suits, Breaking Bad et Friends. Ils prisent aussi les romans, le genre littéraire préféré de 65 % des garçons et 78 % des filles, avec une appétence commune pour les romans contemporains plutôt que pour les « classiques ».

Invités à citer leurs talents personnels, les étudiants donnent des réponses pourtant encore assez « genrées » : danse, cuisine, chant, sport et piano, répondent les jeunes femmes. Sport, musique, football, basket-ball et écriture pour les jeunes hommes. Les goûts sont aussi différents du côté des événements sportifs qu’ils suivent : 35,5 % des jeunes hommes sont assidus devant le football, et 12,1 % les Jeux olympiques. Les jeunes femmes préfèrent les JO (26,7 %), devant la course (12,5 %).