Mannequin, un métier en pleine expansion en Afrique
Mannequin, un métier en pleine expansion en Afrique
Le Monde.fr avec AFP
Sur les podiums ou dans les magazines, les modèles du continent sont de plus en plus courtisés, mais peu parviennent encore à en vivre.
« Allez ! On regarde droit devant soi. On jette la jambe ! On garde la ligne ! », ordonne le chorégraphe Franck Akesse aux apprentis mannequins lors d’un cours de défilé de l’agence de Fatim Sidimé, un modèle ivoirienne, à Abidjan. Femmes ou hommes, les aspirants aux podiums paient 15 000 francs CFA (23 euros) par mois pour cette formation de six mois, avec l’espoir de vivre plus tard de ce métier.
« Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours voulu être mannequin », assure Kelly Godo, 21 ans, étudiante en master de droit, qui a le soutien de sa famille et rêve d’un avenir dans le mannequinat : « J’aimerais bien devenir une nouvelle Naomi Campbell ou une Awa Sanoko. Il faut apprendre et travailler, mais j’espère que ça va marcher. »
Les silhouettes africaines ont le vent en poupe. La Soudanaise Alek Wek, l’Ethiopienne Liya Kebede ou encore l’Angolaise Maria Borges trustent les couvertures de magazines comme les podiums. Selon un rapport du site spécialisé sur la mode The Fashion Spot, en 2017, pour la première fois de l’histoire, un quart (25,4 %) des mannequins engagés pour les défilés du printemps à New York, Paris, Londres et Milan n’étaient pas blancs, dont 10,3 % étaient noirs et 7 % asiatiques. Et, en 2016, parmi les 20 top models les mieux payées au monde, il y en avait trois non blanches.
Des formes plus arrondies
Malgré l’absence de chiffres plus précis, les professionnels sont plutôt optimistes, jugeant leur métier « en pleine expansion » à tous les niveaux. Les mannequins africains « s’exportent » bien et il y a aussi beaucoup de travail « à domicile » : les capitales africaines sont devenues des rendez-vous importants de la mode, avec des fashion weeks et des défilés internationaux à Abidjan, Lagos, Nairobi, Dakar, Yaoundé, Johannesburg, Accra… Des shows notamment retransmis sur la chaîne Fashion Africa TV, consacrée presque uniquement aux défilés en Afrique.
« La mode pèse dans les économies et on n’a plus rien à envier à l’Occident, on peut tout faire, souligne le styliste le plus célèbre de Côte d’Ivoire, Reda Fawaz. Les mannequins sont intégrées dans le système. Il y en a pour les défilés, pour la pub, pour les visuels… Nous, les créateurs, on essaie de les valoriser. Et elles peuvent vivre de leur travail. »
La croissance de la mode en Afrique a fait naître une nouvelle demande pour des mannequins aux formes plus arrondies. « Certains créateurs estiment que les mannequins qui font vendre sont celles qui répondent aux normes de leur clientèle », explique Fatim Sidimé, qui a monté une agence de communication et de mannequinat : « La femme africaine est en général très arrondie » et certains optent ainsi pour des mannequins « plus en chair ».
Les cachets pour les défilés sont variables. Une mannequin reconnue peut toucher entre 100 000 et 200 000 francs CFA par créateur. Mais le métier en Afrique n’est pas toujours rémunérateur. Bien que très courtisé par les créateurs et marques, l’élégant Ivoirien Jean-Paul Daffot ne peut vivre uniquement de la mode et doit exercer un deuxième métier. « Je suis à la fois top model et directeur général d’une société de construction », affirme-t-il, évoquant la concurrence des amateurs, qui font baisser les cachets.
« On a parfois du mal à se faire payer »
Mandjalia Gbané, Miss Côte d’Ivoire 2017, peut quant à elle s’offrir un an sans défiler grâce à son titre. « Mais il y a beaucoup de problèmes, confie-t-elle. On a parfois du mal à se faire payer, certains paient mal et tirent les cachets vers le bas. » Des mannequins en Afrique peuvent ainsi défiler pour 10 000 ou 20 000 francs CFA, voire « pour rien ou des promesses », explique-t-on dans le secteur.
« Il y a un avenir dans le mannequinat, mais il fallait structurer la profession et c’est ce qu’on fait en ce moment », commente Fatim Sidimé, qui dit réunir régulièrement créateurs, mannequins et mêmes politiciens. Ce métier, « c’est dur, mais c’est comme ça dans tous les secteurs ». Et si certains mannequins ne font que « deux ou trois shows » en un mois, ils peuvent toutefois être payés « plus qu’un citoyen lambda », souligne-t-elle.
Lors des Awards africains du mannequinat, en décembre 2017 à Abidjan, la ministre ivoirienne de l’éducation nationale, Kandia Camara, a appelé de ses vœux la création d’une école de mannequinat, soulignant que c’était un secteur pourvoyeur d’emplois. A 18 ans, la lycéenne Gnimimeto Koné, 1,83 m et déjà très remarquée sur les podiums, assure qu’elle ne va pas arrêter ses études mais regarde clairement vers la mode : « J’adore ça, dit-elle. A chaque défilé, on touche. J’espère devenir un grand mannequin international. »