En Europe, le fossé économique se creuse entre les générations, avertit le FMI
En Europe, le fossé économique se creuse entre les générations, avertit le FMI
LE MONDE ECONOMIE
Une étude du Fonds monétaire international met en exergue la montée des inégalités entre les jeunes et les plus âgés.
La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, le 22 janvier, à Davos (Suisse), lors de l’édition 2018 du Forum économique international. / FABRICE COFFRINI / AFP
Dans le débat lancinant sur l’explosion des inégalités, l’Europe fait généralement figure d’élève modèle – ou, tout du moins, de région la moins inégalitaire au monde. Une image conquise grâce à son généreux modèle social, qui a permis que l’écart entre les plus riches et les moins aisés s’y creuse moins qu’ailleurs.
Ce constat doit pourtant être nuancé, selon le Fonds monétaire international (FMI) : dans une étude publiée mercredi 24 janvier, l’institution multilatérale souligne que, si l’inégalité de revenus est, en moyenne, restée stable dans l’Union européenne (UE) depuis 2007, elle s’est, en revanche, nettement accrue entre les générations.
Les jeunes plus exposés au risque de pauvreté
« La population en âge de travailler, en particulier les plus jeunes, est laissée pour compte, commente, dans un post de blog, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Si rien n’est fait, c’est toute une génération qui risque de ne jamais se relever. » La Française a présenté, mercredi, les résultats de cette étude au Forum économique mondial de Davos, qu’elle copréside cette année, autour du thème : « Construire un avenir commun dans un monde fracturé ».
Depuis la crise financière, les revenus des 65 ans et plus ont augmenté de 10 %. A contrario, ceux des plus jeunes (18-24 ans) ont stagné. Un phénomène largement corrélé au chômage qui les a touchés plus durement que le reste de la population. Tandis que le taux de chômage au sein de l’UE tourne désormais autour de 7,3 %, un jeune actif européen sur cinq (20 %) est à la recherche d’un emploi, rappelle Mme Lagarde. Ces parcours heurtés aboutissent fréquemment à des postes moins bien rémunérés et plus précaires.
Avant la crise financière, la pauvreté touchait de façon comparable les générations. Mais les jeunes y sont aujourd’hui nettement plus exposés : un sur quatre fait face à un tel risque, avec un revenu inférieur à 60 % du revenu médian. En outre, ils n’ont souvent pas encore accumulé un patrimoine leur permettant de se prémunir contre d’éventuelles pertes de revenus. Selon l’étude, les 16-34 ans détiennent moins de 5 % de la richesse nette des Européens. Ils sont aussi les plus endettés.
Les auteurs du rapport mettent en exergue le rôle des dispositifs de protection sociale dans ces inégalités intergénérationnelles. « Ils protègent efficacement les revenus réels des personnes âgées des effets de la crise mais n’offrent qu’une assistance limitée aux jeunes sans emploi », est-il écrit. Qui plus est, les récents efforts d’assainissement budgétaire ont davantage entamé les programmes d’aide à la population active que les dépenses de retraite.
Un brevet de bonne conduite pour l’Allemagne
La reprise économique pourrait contribuer à atténuer la tendance. Mais le FMI exhorte les dirigeants à venir en renfort. Un effort jugé indispensable pour éviter les répercussions économiques, sociales et politiques lourdes qu’impliquerait une exclusion durable des jeunes.
Parmi les pistes de réformes, le Fonds suggère des réductions de charges ou des crédits d’impôt pour les bas salaires, pour inciter à l’embauche des jeunes. Il préconise aussi d’investir continûment dans l’éducation et la formation pour rapprocher l’offre et la demande de travail. Au passage, l’Allemagne se voit décerner un brevet de bonne conduite pour son système axé sur l’apprentissage. Depuis 2011, la première économie européenne détient le plus faible taux de chômage des jeunes sur le Vieux Continent.
A rebours de ses dogmes d’autrefois, le FMI propose aussi d’accroître la progressivité de l’impôt et de rééquilibrer la charge fiscale entre les générations. « Il ne s’agit pas d’opposer une génération à une autre, insiste Mme Lagarde. Construire une économie qui fonctionne pour les jeunes permet de poser des fondations solides pour tous. Des jeunes gens aux carrières fructueuses peuvent contribuer à renforcer les filets sociaux. »