TV – « SMILF » : la série qui ose tout
TV – « SMILF » : la série qui ose tout
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Frankie Shaw, créatrice et actrice principale de « SMILF », est parvenue à trouver de la poésie dans la crudité des situations de sa série (sur Canal+ Séries à la demande).
SMILF Trailer SEASON 1 (2017) New Showtime Series
Durée : 01:46
Fille seule, cheveux sales, avec un goût prononcé pour les vêtements grunge en Nylon, pas lavés de la quinzaine : ainsi que le lui fait remarquer un ami croisé à la caisse d’une épicerie de son quartier de Boston, Bridgette a tout l’air d’une SDF. Car la jeune femme, séparée du père de son jeune fils, se néglige.
Plutôt à la dérive, elle se laisse aller à des crises de boulimie alimentaire et sexuelle. Elle assouvit les deux en achetant une tonne de sucreries et en embarquant chez elle l’ami rencontré à l’épicerie. Au beau milieu de leurs ébats, le garçon, qui n’est pas un prix de beauté mais est ravi de l’aubaine, s’aperçoit que, dans le même lit, à peine masqué par quelques coussins, dort le petit garçon de la jeune femme. Il se rhabille et s’enfuit.
En fait, Bridgette est obsédée par le fait que son vagin – qui n’est jamais nommé par un vocable aussi clinique – se serait élargi. Malgré une visite rassurante chez sa gynécologue, elle veut vérifier comment les hommes se sentent en elles, quand elle parvient à les attirer. Bridgette est pourtant, dans ses meilleurs jours, une « SMILF » – un mot dérivé de « MILF », beaucoup usité par la pornographie : « single mum I’d like to fuck », ou « mères célibataires bonnes à baiser » (que les âmes prudes nous pardonnent). Mais elle se réfugie volontiers dans la masturbation, par exemple en fantasmant sur les photos de la petite amie de son ancien compagnon postées sur Facebook…
Frankie Shaw (Bridgette Bird) dans « SMILF ». / CBS/LACEY TERRELL/SHOWTIME
Entre deux séances de travaux manuels, Bridgette cherche mollement du travail, mais se trouve ou exploitée ou peu intéressée par ce qu’elle doit faire. Ses périodes d’activité professionnelle sont donc rares et peu rémunératrices. En revanche, son amie Eliza (Raven Goodwin), une Afro-Américaine aux formes très généreuses, rencontrée dans un groupe de parole pour boulimiques, a trouvé un filon juteux : elle s’exhibe en petite tenue sur Internet en train de dévorer de manière gloutonne de la crème glacée dégoulinante lors de séances filmées payantes.
On l’aura compris, SMILF n’est pas à mettre devant les yeux de tous (sexe explicite, drogue et langage très cru). Ce qui est devenu l’ordinaire des séries de chaînes câblées et de plates-formes de vidéo à la demande, dont seuls les fidèles « ultras » de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet – la paroisse parisienne traditionaliste – pourraient s’alarmer. SMILF est très bien interprétée, et l’on se réjouit de retrouver Rosie O’Donnell dans un emploi (celui de la mère de Bridgette) à sa mesure – et pas, pour une fois, dans un rôle caricatural de lesbienne masculine.
Un coup de griffe à Woody Allen
Frankie Shaw, la créatrice, scénariste, réalisatrice et actrice principale de SMILF, a réussi à composer une Bridget Jones trash et hypersexuelle – le prénom Bridgette n’est probablement pas choisi au hasard. On a certes vu cent fois ce genre de personnage déphasé, mais la jeune Américaine réincarne formidablement ce cliché par le portrait subtil et très attachant d’une jeune mère à la dérive, mais qui toujours parvient à garder la tête hors de l’eau.
Le dernier épisode, qui évoque le père incestueux de Bridgette, glisse un générique de début à la manière de ceux de Woody Allen, avec la musique – Gershwin – de Manhattan (1979). Petit coup de griffe contre celui qui se trouve à son tour pris dans la tourmente #metoo – on n’est pas certain qu’il était indispensable.
SMILF, série créée par Frankie Shaw. Avec Frankie Shaw, Rosie O’Donnell, Miguel Gomez, Samara Weaving, Raven Goodwin (EU, 2017, 8 × 30 min).