Après avoir épuisé toutes les voies scientifiques possibles pour prouver son innocence, Christopher Froome est-il en train de changer radicalement de stratégie et d’accepter le principe d’une suspension, quatre mois après avoir appris son contrôle anormal au salbutamol et six semaines après sa révélation par Le Monde et The Guardian ?

Le Corriere della Sera avance, mardi 30 janvier, que le Britannique, poussé en ce sens par sa femme, qui est également sa manageuse, est prêt à reconnaître une « négligence », afin de négocier une suspension pas trop longue, à même de lui laisser prendre le départ du Tour d’Italie, en mai, et bien sûr du Tour de France, en juillet.

Selon nos informations, cette option n’est pourtant pas celle qui est privilégiée pour le moment par la Team Sky et l’avocat engagé pour cette procédure, le redoutable Mike Morgan, et aucune initiative concrète n’a été prise en ce sens.

Alors que l’article du journal italien était repris mardi matin par plusieurs médias, Christopher Froome l’a démenti d’un simple tweet à la mi-journée : « C’est complètement faux. » « Nous n’avons aucune idée d’où cela vient ni sur quel élément cela repose », dit-on du côté de Team Sky.

Reclus en Afrique du Sud

Ce revirement spectaculaire ne semblait pas, à première vue, aisément défendable : après avoir affirmé pendant des mois ne pas avoir dépassé la dose de salbutamol permise, il lui aurait fallu changer de version sans pour autant admettre une prise de cette substance par voie générale. Cette option, qui permettrait d’expliquer pourquoi son taux a bondi d’un jour sur l’autre à 2 000 nanogrammes par millilitre au lieu de 1 000 autorisés, lui vaudrait sans aucun doute deux ans de suspension.

Les issues se rétrécissent et le temps presse pour le Britannique, toujours reclus en Afrique du Sud alors que ses concurrents ont commencé la saison et que sa course présumée de reprise, la Ruta del Sol, démarre dans deux semaines.

S’il publie comme si de rien n’était ses vidéos et données d’entraînement à l’autre bout du monde, toujours sourire aux lèvres et souvent avec son fils, la pression s’est accentuée sur son équipe, Team Sky. Le président de l’Union cycliste internationale (UCI), David Lappartient, l’a incitée publiquement à suspendre provisoirement sa star, et ses principaux adversaires, Tom Dumoulin et Romain Bardet, ont souhaité qu’il ne reprenne pas un dossard tant que son cas n’était pas réglé.

Il y a urgence, dit d’une voix le monde cycliste, à trancher le cas Froome dans un sens ou dans l’autre, si possible avant qu’il se présente au départ d’une course et dans tous les cas avant le départ du Tour d’Italie, dont il est censé être la tête d’affiche à partir du 4 mai.

Scientifiquement, la partie est en train de tourner en défaveur du Britannique malgré la batterie de juristes et de scientifiques engagés sous la houlette de Mike Morgan, avocat britannique spécialisé dans la défense de sportifs contrôlés positifs. La possibilité de réaliser un test en laboratoire semble avoir été écartée, jugée trop risquée en cas d’échec.

L’UCI attend toujours les explications de Froome

La Fondation antidopage du cyclisme (CADF) est sûre de son fait, constatant que le Britannique n’était pas déshydraté et que ses taux de salbutamol étaient bas les jours précédents le 7 septembre, jour de son contrôle anormal. Le dossier est dorénavant entre les mains du LADS, service juridique de l’UCI, qui attend encore et toujours la défense scientifique de Christopher Froome avant de lui soumettre une proposition de sanction.

Selon L’Equipe, le camp du Britannique travaille désormais sur l’hypothèse d’un dysfonctionnement rénal qui permettrait d’expliquer physiologiquement comment la prise de salbutamol dans les limites autorisées a pu engendrer une telle concentration du produit dans ses urines.

Mais Michelle Froome, dont l’influence sur son mari est grande, est partie sur une deuxième voie, écrit le journal italien : « Sur les conseils de sa femme, Froome aurait accepté le processus d’“acceptation des conséquences”, une négociation avec admission d’une négligence prévue par le règlement juridique de la fédération pour éviter un processus long et à haut risque devant le tribunal indépendant antidopage. »

Impasse

Selon le Corriere della Sera, Michelle Froome « aurait engagé un médiateur de haut niveau entre l’athlète et la fédération » et viserait une suspension réduite à cinq ou six mois, dans l’espoir qu’elle commence à la date de sa dernière course, le 20 septembre (médaille de bronze au championnat du monde contre la montre). Dans cette hypothèse, Froome pourrait disputer le Giro. Mais même le présumé médiateur, dont l’identité n’est pas citée dans l’article, ne croirait pas une peine si légère possible.

Pour un taux légèrement inférieur, l’Italien Diego Ulissi avait été suspendu neuf mois en 2015. Et, si l’on s’en tient au règlement antidopage de l’UCI, la suspension de Christopher Froome n’aurait pas de raison de commencer en septembre dernier, le Britannique n’ayant pas reconnu les faits ni annoncé une autosuspension.

Accepter une suspension poserait également un problème très concret : Team Sky ayant toujours licencié ses coureurs suspendus pour dopage en vertu de son règlement intérieur, comment agirait-elle vis-à-vis du quadruple vainqueur du Tour de France ? Ce dernier devrait-il retrouver un contrat en cours de saison, ou l’équipe de Dave Brailsford renier publiquement ses principes au risque de fâcher un peu plus son pourvoyeur de fonds ?

La cacophonie quant à la stratégie de défense du vainqueur du Tour 2017 souligne surtout l’impasse dans laquelle il se trouve, semble-t-il inextricable. Et le cyclisme avec lui.