Une manifestante avec un masque à l’effigie de Carles Puigdemont, devant le Parlement catalan, le 30 janvier 2018. / GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Carles Puigdemont a-t-il jeté l’éponge, abandonné pour de bon son ambition d’être réinvesti président de la Catalogne par le Parlement régional, ou n’a-t-il été victime que d’un coup de blues passager ? En public, il continue d’afficher sa détermination. Mais des messages téléphoniques qu’il a échangés avec son compagnon d’« exil », Toni Comin, mardi 30 janvier au soir, où il s’avoue vaincu par Madrid, montrent un autre état d’esprit.

Quelques heures après la décision du président du Parlement catalan, Roger Torrent, d’ajourner sine die le débat d’investiture lors duquel il entendait reprendre les rênes de la Catalogne, à distance, afin de pas contrevenir à l’interdiction du tribunal constitutionnel, Carles Puigdemont a échangé des messages sur son téléphone portable qui ont fuité sur la chaîne de télévision Telecinco. Il y considère que le gouvernement espagnol a remporté la bataille et y laisse entendre que l’indépendance est morte et que lui-même a été « sacrifié » par les siens.

« On recommence à vivre les derniers jours de la Catalogne républicaine. Le plan de la Moncloa [le siège du gouvernement espagnol] triomphe », écrit-il tout d’abord, fataliste, à M. Comin, filmé à son insu, alors qu’il lisait ses messages, par l’envoyé spécial de Telecinco à Louvain, où il était invité à une réunion des nationalistes flamants de la NVA.

« Tout cela est fini »

« J’espère seulement qu’il est vrai que grâce à cela tous pourront sortir de prison, parce que sinon, le ridicule historique est historique… », poursuit-il, en référence aux dirigeants indépendantistes en prison préventive, l’ancien vice-président catalan, Oriol Junqueras, et le conseiller de l’intérieur destitué, Joaquim Forn, ainsi que les anciens présidents des deux puissantes associations indépendantistes Assemblée nationale catalane et Omnium cultural. Un message qui laisse entendre que son retrait politique et l’abandon de la désobéissance au tribunal constitutionnel pourraient avoir comme contrepartie une certaine clémence judiciaire.

« Les nôtres nous ont sacrifiés, moi en tout cas »

« Je suppose que tu as compris que tout cela est fini. Les nôtres nous ont sacrifiés, moi en tout cas. Vous serez conseillers (je l’espère et le souhaite), mais moi je suis déjà sacrifié, comme le suggérait Tarda », ajoute-t-il dix minutes plus tard, en l’absence de réponse de M. Comin. Joan Tarda, porte-parole de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) au Parlement espagnol, avait déclaré, quelques jours plus tôt, que « s’il le faut [pour mettre fin à la mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid], nous sacrifierons Puigdemont ».

Et de conclure, dramatique : « Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre (j’espère longtemps !), mais je le consacrerai à mettre en ordre ces deux années et protéger ma réputation. On m’a fait beaucoup de mal, avec des calomnies, des rumeurs, des mensonges, que j’ai supportés pour un objectif commun. Cela a touché à sa fin et il me revient de consacrer ma vie à ma défense. »

« Je ne plierai ni ne reculerai »

Mercredi, M. Puigdemont a reconnu la véracité de ces messages, tout en tentant de les relativiser, sur son compte Twitter.

« Je suis un être humain et il y a des moments où je doute aussi. Je suis aussi le président et je ne plierai ni ne reculerai, par respect, reconnaissance et engagement envers les citoyens et le pays. Continuons ! »

Il se trouve cependant qu’au moment même où il envoyait ces messages privés à Toni Comin, il diffusait publiquement une vidéo assurant qu’il n’y a « pas d’autre candidat possible » que lui à la présidence du gouvernement catalan et exigeant aux indépendantistes de maintenir « l’unité ». De quoi provoquer les critiques de la chef de file de Ciudadanos en Catalogne, Inés Arrimadas, qui s’est insurgée sur la chaîne de télévision La Sexta contre « ces gens qui sont en train de fracturer la société catalane pour rien, parce qu’ils ne sont pas assez courageux pour dire que le processus sécessionniste ne va nulle part ».