« Les Tuche 3 » : un vent de folie douce souffle à l’Elysée
« Les Tuche 3 » : un vent de folie douce souffle à l’Elysée
Par Isabelle Regnier
Ce troisième volet de la saga consacrée à cette famille zinzin constitue une surprise revigorante.
On croyait la comédie populaire française condamnée soit à célébrer les vertus d’une France éternelle fantasmée via des adaptations plus ou moins foscilisée de classiques de la BD ou de la littérature jeunesse, soit à flatter les penchants conservateurs des spectateurs (quand ce n’est pas leur inconscient raciste). Ou encore à dépeindre une société arrivée au stade terminal du consumérisme dont les personnages les plus positifs semblent sortis d’une émission de télé poubelle. Et puis sont arrivés Les Tuches.
Faute d’avoir vu les deux premiers volets de la saga, nous ne nous risquerons pas à évaluer le troisième à leur aune. Mais cette découverte constitue une surprise des plus revigorantes. Sous-titré « Liberté, Egalité, FraterniTuche », Les Tuche 3 renoue avec la famille Tuche à son retour des Amériques (Les Tuche 2 se passait en partie à Los Angeles) alors que Jeff, le père, ex-chômeur volontaire devenu millionnaire après avoir gagné au loto, reconnaissable entre mille à sa vigoureuse coiffure moussue et glorieusement interprété par Jean-Paul Rouve, est devenu maire de sa commune natale de Bouzolles.
Propulsé malgré lui au second tour
La comédie s’installe doucement autour d’une affaire de TGV dont le village, tout excité à l’idée qu’il allait enfin passer à Bouzolles, rangé en ordre de bataille sur le quai de la gare pour l’accueillir en fanfare, découvre dépité qu’il ne fait en effet que passer . Outré de s’être fait ainsi rouler dans la farine, Jeff Tuche appelle l’Elysée pour demander des comptes au président de la république, mais ne parvient pas à passer le barage du standard. Lui vient alors l’idée de se lancer dans la campagne présidentielle, meilleur moyen selon lui pour faire entendre sa voix et s’expliquer d’homme à homme avec le chef de l’état.
Alors que ses principaux concurrents, rattrapés par des scandales en tout genre (il est notamment question d’une affaire d’emploi fictif d’attachée parlementaire dont aurait bénéficié la femme du candidat de la droite la plus dure, par ailleurs accusé de trafic d’armes et de drogue), tombent comme des mouches, Jeff Tuche se voit propulsé bien malgré lui, et malgré son absence radicale de programme, au second tour. Sans bien comprendre ce qui lui arrive, il atterrit sur le plateau du grand débat télévisé de l’entre deux tours face au président sortant. C’est là que le film prend son envol.
Le brave Jeff Tuche n’a aucune envie de devenir président et ne s’en cache pas. Mais il aimerait que son interlocuteur lui explique pourquoi il ne prend pas le temps de répondre à des citoyens comme lui lorsqu’ils ont une réclamation à faire, lequel interlocuteur ne daigne lui opposer, en guise de réponse, que sa morgue de puissant, ce qui lui coûtera sa place et aura pour effet d’installer la famille Tuche à l’Elysee.
Ce n’est pas le moindre mérite de cette comédie bien loufoque que de satiriser le gouffre qui sépare le peuple des élites (qu’elles soient politiques ou culturelle, l’excellent Nicolas Maury officiant ici dans le rôle d’un écrivain cynique et opportuniste). Mais ce ne serait là qu’une bonne idée si elle n’était relayée, comme c’est le cas ici, comme c’est si rare dans la comédie populaire française, par une mécanique comique déliée où le jeu des acteurs, le scénario, les dialogue et la mise en scène semblent procéder d’un même mouvement organique (ce n’est pas un hasard si à la fois Olivier Baroux et Jean-Paul Rouve sont crédités comme co-scénariste) : au vent de folie douce que fait souffler cette famille de zinzins dans les couloirs de l’Elysée en y imposant ses habitudes de fainéants, sa recette de frites, et ses grandes idées pour la France (de la refondation du groupe Abba au cours de grattage de billets de loterie obligatoires à l’école primaire) répond une dramaturgie pour le moins déglingue. On est loin de l’écriture calibrée symptomatique du tout venant de la comédie française contemporaine, de ses gags appuyés qui donnent envie de regarder ailleurs pour tuer l’ennui. Ce qui fait rire ici à plutôt avoir avec le rythme, le contrepied, la joie anarchiste et bon enfant avec laquelle les acteurs s’abandonnent à la folie de leur univers et vous invitent joyeusement à leur emboîter le pas.
Par la manière qu’il a d’embrasser son époque jusque dans son style visuel (des chaînes de télé en continu aux zakouskis de Snapchat), le film d’Olivier Baroux fait curieusement penser à ces comédies de Louis de Funes qui ont si bien capturé l’esprit de la France de Giscard. Il donne de notre monde un reflet tout juste anamorphosé d’une t(o)uche de générosité.
Les Tuche 3 - Bande-annonce officielle HD
Durée : 02:05
Film français de Olivier Baroux. Avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty, Claire Nadeau (1h35). Sur le web : www.pathefilms.com/film/lestuche3, www.facebook.com/LesTuche/