Emmanuel Macron lors de l’hommage au préfet Erignac, vingt ans après son assassinat, à Ajaccio, le 6 février. / Olivier Laban-Mattei / MYOP pour «Le Monde

Un olivier, une plaque gravée au sol « 1 HOMME, 1 PLACE ». « Cette place que nous inaugurons aujourd’hui est un lieu de paix et de fraternité. Je l’ai voulue ainsi », déclare Dominique Erignac, la veuve du préfet Claude Erignac, assassiné vingt ans plus tôt, le 6 février 1998, par un commando indépendantiste. C’est la première fois qu’elle revient sur « ces lieux maudits ». Et, pour elle, il est impossible de tourner la page : « Comment pourrait-elle l’être alors qu’elle est tachée de sang ? »

En présence du président de la République, Emmanuel Macron, elle a dévoilé la plaque de ce qui s’appellera « Place Claude Erignac », au pied de l’immeuble où il a été abattu, fraîchement ravalé dans des couleurs pastel. Si l’Etat, aujourd’hui, rend hommage au préfet, aucune rue ne porte son nom dans les autres communes de l’île. La mémoire charrie encore son lot de cicatrices non refermées.

Emmanuel Macron en Corse : l’assassinat de Claude Erignac fut une « infamie qui déshonore à jamais ses auteurs »
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Dans son discours, M. Macron a tenu des mots très durs. « Ce qui s’est passé ici il y a vingt ans ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s’explique pas », commence-t-il alors qu’au premier rang de l’assistance, debout, figure le nationaliste Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la collectivité de Corse et ancien avocat d’Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac. « Une infamie qui déshonore à jamais ses auteurs », a affirmé le chef de l’Etat, avant de saluer la population corse qui, alors, a su se dresser contre « la lâcheté, le sang et la mort ».

« Ménager un avenir à la Corse »

« La République n’a pas cédé », a poursuivi M. Macron, rendant hommage, notamment, à l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, qui l’accompagnait pendant ce voyage, et à son prédécesseur Nicolas Sarkozy. « La justice a été rendue et elle sera suivie, sans oubli, sans complaisance, sans amnistie », a assuré le président de la République, salué par des applaudissements dans l’assistance. Et il a promis vouloir « ménager un avenir à la Corse, sans transiger avec les requêtes qui la feraient sortir du giron républicain ».

La fermeté du propos semble avoir rassuré ceux qui, depuis la large élection des nationalistes à la tête de la collectivité unique, se défient de leur volonté de pousser les feux de l’autonomie. Mais comment les nationalistes, eux, l’ont-ils interprétée ? A l’issue de la cérémonie, M. Simeoni ne s’est pas attardé, se refusant à toute déclaration, mais il a paru marqué. La présence de l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni, le président de l’Assemblée de Corse, n’était, quant à elle pas souhaitée.

Discours à Bastia

Les deux hommes vont faire le point à l’issue de cette première matinée pour analyser la teneur de ce discours présidentiel. Une rencontre avec le chef de l’Etat est prévue vers 19 heures. Le ton et les mots employés sont-ils de nature à raidir la position des dirigeants nationalistes ? Voire à les amener à annuler la rencontre ? Ce n’est pas l’hypothèse la plus probable. Un tel refus risquerait de les marginaliser. Mais les relations entre le pouvoir exécutif et le mouvement nationaliste sont coutumières de ces sautes d’humeur.

La deuxième journée du chef de l’Etat en Corse, mercredi, sera marquée par un grand discours prononcé à Bastia, devant de nombreux invités. C’est à cette occasion qu’il fera part de ses intentions et de ses propositions. M. Macron restera-t-il dans le même registre ? Ou, comme il en a déjà administré la preuve, après avoir durci le ton et rappelé l’autorité de l’Etat, tiendra-t-il un discours d’ouverture ? Marquera-t-il sa volonté d’ouvrir une nouvelle ère des relations avec la Corse ? Un balancement qui ne lui est pas si étranger, en même temps.