A Stavropol, le 5 février. / EDUARD KORNIYENKO / REUTERS

Dimanche 18 mars, 108 968 869 Russes inscrits sur les listes électorales au 1er janvier sont appelés à élire leur président, ainsi que 1 875 408 ressortissants résidant à l’étranger. La date choisie pour cette 7e élection présidentielle en Russie depuis la fin de l’ère soviétique ne doit rien au hasard : modifiée par le Parlement pour des raisons de calendrier, elle correspond à « l’anniversaire » de l’annexion de la Crimée, officiellement proclamée au Kremlin par Vladimir Poutine le 18 mars 2014.

LES ENJEUX DU SCRUTIN

La campagne officielle débutera à la télévision le 19 février pour s’achever deux jours avant le vote, le 16 mars. Sur le terrain, la plupart des candidats sillonnent déjà les régions, mais les enjeux sont faibles. Le second tour, prévu au plus tard trois semaines après le premier, reste théorique : depuis l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine il y a dix-huit ans, il n’a jamais été nécessaire. Le seul enjeu, pour l’actuel chef du Kremlin, réside dans le taux de participation, remarquablement stable depuis 2000 avec un peu plus de 64 %. En 2006, cependant, le taux minimal de 50 % de votants, nécessaire pour valider l’élection, a été supprimé.

LES CANDIDATS

Sept hommes et une femme se présentent, selon la liste définitive des candidats arrêtée jeudi 8 février par la Commission nationale électorale. Seuls deux d’entre eux, l’ultranationaliste Vladimir Jirinovski, et Pavel Groudinine pour le Parti communiste, représentés au Parlement, étaient exemptés de la collecte de signatures. Pour les autres candidats, issus d’une formation politique sans élus, 100 000 signatures de concitoyens étaient nécessaires – un seuil abaissé après les grandes manifestations de protestation de l’hiver 2011-2012. Pour les « indépendants », il en faut 300 000. Un seul candidat s’est présenté dans cette catégorie : Vladimir Poutine.

Le président russe est également le seul, à ce jour, à avoir atteint la somme de 400 millions de roubles (55 millions d’euros) de dons, le montant maximum fixé par la loi pour les budgets de campagne.

Grand absent de cette compétition, Alexeï Navalny, 41 ans, pourfendeur de la corruption des élites, a été écarté du scrutin en raison de condamnations pénales qu’il réfute. Le principal opposant du Kremlin, qui a mené pendant des mois campagne sur le terrain, appelle désormais au boycottage de l’élection et à la « grève des électeurs ». Son absence enlève au scrutin le peu de suspens qui restait.

LES PROFILS

  • Le favori : Vladimir Poutine, 65 ans

Vladimir Poutine, le 2 février, lors des célébrations marquant l’anniversaire de la bataille de Stalingrad. / ALEXEI DRUZHININ / AFP

Désigné comme le successeur de Boris Eltsine en 1999, il a été élu pour la première fois président de la Fédération de Russie le 23 mars 2000, avec 52,9 % des voix, puis en 2004 avec 71,3 % des voix. La Constitution russe limitant le nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux, Vladimir Poutine a pris la place de son premier ministre Dmitri Medvedev en 2008 tandis que celui-ci prenait la sienne au Kremlin après avoir été élu avec 70,2 % des voix. Sous sa présidence, la Constitution a été modifiée afin de repousser la durée du mandat de quatre à six ans. En 2012, malgré des manifestations importantes dénonçant des fraudes, Vladimir Poutine a été réélu avec 63,6 % des voix. Il brigue aujourd’hui un 4e mandat.

  • L’outsider : Pavel Groudinine, 58 ans

Pavel Groudinine, le 5 février à Rostov-sur-le-Don / SERGEY PIVOVAROV / REUTERS

Pour la première fois, le candidat qui porte les couleurs du Parti communiste n’est… pas encarté. Directeur du sovkhoze Lénine, une exploitation agricole dans la région de Moscou fondée en 1917 et privatisée en 1995, il a créé la surprise en remportant une mini-primaire organisée au sein du PC russe et de quelques formations nationalistes de gauche. Auparavant, ce chef d’entreprise atypique, numéro un de la fraise en Russie, avait participé à la première campagne électorale de Vladimir Poutine en 2000, avant de se retirer totalement du parti au pouvoir, Russie Unie, en 2010. Les experts lui prédisent la deuxième place à l’issue du scrutin.

  • Le senior : Vladimir Jirinovski, 71 ans

Vladimir Jirinovski, le 26 janvier à Moscou. / MAXIM SHEMETOV / REUTERS

Président fondateur depuis 1990 du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR), il défend des idées ultranationalistes, xénophobes et antisémites, à l’opposé du libellé de sa formation. Candidat lors de la première élection présidentielle russe de 1991, où il avait obtenu 8 % des voix, il s’est présenté toutes les fois suivantes, à l’exception de 2004, en obtenant invariablement la cinquième, la troisième ou la quatrième place, sans jamais renoncer. Connu pour ses outrances verbales, Vladimir Jirinovski avait ouvertement sablé le champagne au lendemain de la victoire de Donald Trump à la Maison Blanche.

  • La benjamine : Ksenia Sobtchak, 36 ans

Ksenia Sobtchak, le 3 février à Saint-Pétersbourg. / ANTON VAGANOV / REUTERS

Fille de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg, Anatoli Sobtchak, mentor en politique de Vladimir Poutine, la journaliste se présente comme une opposante résolue à Vladimir Poutine sous l’étiquette « contre tous » – une ligne qui figurait autrefois sur les bulletins de vote pour les électeurs mécontents. Accusée d’être une « marionnette du Kremlin » par ses détracteurs, elle est néanmoins l’une des rares voix, en Russie, à oser évoquer l’annexion de la Crimée comme une « violation du droit international ». Soutenue par de riches donateurs, Ksenia Sobtchak veut incarner un courant libéral « qui n’existe plus en Russie » depuis les années 1990.

  • L’entêté : Gregori Iavlinski, 65 ans

Gregori Iavlinski, le 8 février à Moscou. / Alexander Zemlianichenko / AP

Cet économiste a travaillé avec les réformateurs de la perestroïka. En 1993, il a cofondé le parti démocrate libéral Iabloko, qui attira une partie de l’intelligentsia russe et compta dans ses rangs jusqu’à 16 parlementaires en 2003. Candidat à deux reprises à l’élection présidentielle, en 1996 et en 2000, opposé au retour de Vladimir Poutine en 2012, il avait été écarté de la compétition cette année-là au motif qu’il n’avait pas les deux millions de signatures alors nécessaires. Sous la pression d’une partie de ses adhérents lassés, Gregori Iavlinski a démissionné de la présidence de Iabloko en 2008, sans quitter le parti.

  • L’entrepreneur : Boris Titov, 57 ans

Boris Titov, le 8 février à Nevinnomyssk, au pied des montagnes du Caucase. / EDUARD KORNIYENKO / REUTERS

Fondateur du Parti de la croissance (libéral et conservateur), il est aussi délégué aux droits des entrepreneurs auprès du président russe. Sa candidature, il ne s’en cache pas, n’est pas là pour gêner le favori mais pour faire entendre la voix des PME, et promouvoir « l’esprit d’initiative ».

  • Le rouge-brun : Sergueï Babourine, 59 ans

Sergueï Babourine, en 2006. / Alexander Zemlianichenko / AP

Elu député du peuple au dernier Soviet suprême de Russie, en 1990, il est l’un des sept élus à avoir voté contre la dissolution de l’URSS. Réélu par la suite, vice-président de la Douma en 2004, il préside le parti La Volonté du peuple, aujourd’hui renommé « Union des peuples russes «. En 2003, le chef de file français de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, s’était rendu à Moscou à son invitation. Sergueï Babourine a soutenu publiquement le Serbe Radovan Karadzic, surnommé le « boucher des Balkans », lors de son procès pour « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » dans l’ex-Yougoslavie qui a abouti, en 2016, à sa condamnation à quarante ans d’emprisonnement.

  • Le cadet : Maxime Souraïkine, 40 ans

Maxime Souraïkine en compagnie de la présidente de la Commission électorale, Ella Pamfilova, après avoir enregistré sa candidature, le 8 février à Moscou. / MAXIM SHEMETOV / REUTERS

Président du parti Communistes de Russie, d’obédience marxiste-léniniste, enregistré en 2012, il est le fondateur d’un mouvement de jeunes apparu quelques années plus tôt et présenté comme l’héritier des Komsomols, les jeunesses du Parti communiste en URSS. Il revendique aujourd’hui 50 000 membres pour son parti qui a obtenu 2,3 % des voix lors des élections législatives de 2016. Le portrait de Staline s’affiche sur son site de campagne.