Cedexis, le « Waze de l’Internet », passe sous pavillon américain
Cedexis, le « Waze de l’Internet », passe sous pavillon américain
Par Vincent Fagot
L’entreprise qui a été cofondée par le Français Julien Coulon a été rachetée par l’éditeur de logiciel Citrix.
L’américain Citrix, fournisseur de solutions de virtualisation et de services cloud, a annoncé lundi 12 février le rachat du franco-américain Cedexis. Créé conjointement en 2009 par Julien Coulon à Cachan (Val-de-Marne) et Marty Kagan à Portland (Oregon), Cedexis aime à se définir comme un aiguilleur de l’Internet, ou un « Waze du Net » en référence à cet outil de guidage par GPS. La société conçoit en effet des solutions permettant de diriger les données sur les voies les moins encombrées des autoroutes de l’information. « La seule différence c’est que nous, on prend le volant », plaisante Julien Coulon. Comme Waze, la solution s’appuie sur l’analyse des données des utilisateurs pour effectuer en temps réel une cartographie du réseau et en faire profiter la communauté.
L’objectif est de réduire au maximum le temps de latence pour l’utilisateur… sachant que ce temps en question peut avoir un impact très direct sur les résultats des clients de Cedexis. Ainsi sur un site de e-commerce, 100 millisecondes perdues feraient chuter les ventes de 1 %. Pour un site de presse, un chargement trop lent d’une vidéo fait fuir l’internaute – et les revenus publicitaires qui peuvent y être associés.
Au fil des années, Cedexis a réussi à se constituer un joli portefeuille de clients dont des sites américains comme Twitter, Facebook, Pinterest, Slack ou Airbnb. La société affirme ainsi analyser quotidiennement les données d’un milliard d’utilisateurs.
Neuf bureaux à travers le monde
Depuis sa création, la société a réussi à lever 33 millions de dollars (27 millions d’euros), dont 22 lors de son dernier tour de table en janvier 2016. Cette injection d’argent frais lui avait permis de poursuivre son expansion à l’international. Cedexis compte aujourd’hui 9 bureaux à travers le monde, et a accéléré son développement ces derniers mois en Asie, aidée en cela par l’arrivée à son capital de Ginko Ventures, le fonds du taïwanais Foxconn Technology. Pas encore rentable à ce jour – en raison notamment du coût élevé de la location de 116 data centers dans le monde – , Cedexis assure avoir tous les leviers à disposition pour être rapidement à l’équilibre. Elle affiche aujourd’hui une croissance globale de ses revenus de 40 %.
Citrix, qui était déjà entré en 2013 au capital du franco-américain et avait formulé une première offre d’achat dès 2013, n’a pas souhaité communiquer le montant de l’opération mais on estime qu’il devrait se situer dans une fourchette comprise entre 70 et 120 millions d’euros. Les prochains résultats de l’éditeur de logiciel américain – qui a clôturé l’année 2017 avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros) –, devrait permettre d’y voir plus clair.
Julien Coulon assure de son côté avoir reçu plusieurs autres offres et n’avoir pas choisi la mieux-disante, privilégiant celle qui offrait les meilleures garanties pour les équipes de Cedexis.
A titre personnel, le cofondateur quitte la société, dont il était devenu au fil des levées de fonds un actionnaire de plus en plus minoritaire. Il a décidé de reprendre des études (MBA HEC) et de faire profiter d’autres entrepreneurs de son expérience. Il est également entré au conseil d’administration de Recommerce, leader français du marché des téléphones reconditionnés.
Le rachat de Cedexis – qui figurait dans la liste 2017 de TechTour des 50 potentielles licornes européennes – pose une nouvelle fois la question de la capacité des pépites tricolores – ou d’origine française – à résister aux sirènes ou à l’appétit de multinationales étrangères, prêtes à faire de gros chèques pour récupérer des technologies imaginées en France.
Fin juin 2017, Zenly, une application qui permet de localiser ses amis en temps réel, avait été absorbée par Snap, la maison mère de Snapchat, pour plus de 200 millions d’euros. Début janvier, c’est la plate-forme de création de bots Recast. AI qui était à son tour croquée par l’éditeur de logiciels SAP (montant non communiqué). Chez Bpifrance, une réflexion est en cours pour offrir d’autres options aux entrepreneurs français qui feraient l’objet d’offres hostiles – ce qui n’est pas le cas de Cedexis. Son directeur général, Nicolas Dufourcq, a ainsi plaidé pour la création d’un fonds de 3 milliards d’euros vers lequel pourraient se tourner lesdites sociétés.