Fraude fiscale : Jérôme Cahuzac en appel pour tenter d’éviter la prison
Fraude fiscale : Jérôme Cahuzac en appel pour tenter d’éviter la prison
Par Franck Johannès
L’ancien ministre du budget avait été condamné à trois ans d’emprisonnement en 2016 pour avoir dissimulé au moins 3,5 millions d’euros aux impôts pendant vingt ans.
Il y a toujours un risque à faire appel d’un jugement sévère, et en tout point conforme aux réquisitions du parquet : Jérôme Cahuzac va tenter l’expérience, lundi 12 février, et compte sur son nouvel avocat, Eric Dupond-Moretti, pour échapper à la prison.
L’ancien ministre du budget a été condamné le 8 décembre 2016 à trois ans d’emprisonnement et cinq ans d’inéligibilité pour « fraude fiscale », « blanchiment de fraude fiscale », et « omission de déclaration de son patrimoine ». Il a aussitôt décidé de faire appel, et le tribunal n’ayant pas demandé de mandat de dépôt, n’a pas dormi une seule nuit en prison. L’ancien député socialiste du Lot-et-Garonne, âgé aujourd’hui de 65 ans, risque cinq ans, et espère réduire sa peine à deux, ce qui la rendrait aménageable et lui éviterait la prison.
Le couple Cahuzac a en effet dissimulé au moins 3,5 millions d’euros aux impôts pendant vingt ans, et le patrimoine serait « en réalité beaucoup plus important, car nous n’avons que le solde, et il y a eu beaucoup de dépenses », avait indiqué le parquet national financier (PNF). Sa procureure, Eliane Houlette, avait rappelé que « la fraude fiscale, en France, coûte de 60 milliards à 80 milliards d’euros par an » et elle avait prévenu l’ancien ministre : « C’est un acte antisocial par excellence. Frauder l’impôt est manquer à son devoir de citoyen, et il n’y a aucune bienveillance à attendre de notre part. »
« Une impardonnable faute morale »
L’affaire avait éclaté après une enquête de Mediapart de décembre 2012, qui indiquait que le ministre avait détenu un compte clandestin en Suisse, fermé en 2010 lorsqu’il était devenu président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et dont il avait expédié plus discrètement les avoirs à Singapour un an plus tôt.
« Des accusations délirantes », avait répondu le ministre, avant de démissionner quatre mois plus tard en avouant avoir menti. « Jérôme Cahuzac a commis une impardonnable faute morale », avait sombrement conclu un François Hollande consterné. L’affaire avait au moins servi à installer le PNF, qui doit à l’affaire Cahuzac son existence.
Médecin, Jérôme Cahuzac a abandonné dans les années 1990 la chirurgie cardio-vasculaire à l’hôpital pour l’activité privée bien plus rentable des implants capillaires. Conseiller du ministre de la santé Claude Evin (1988-1991), il a ensuite monnayé son carnet d’adresses auprès des laboratoires pharmaceutiques.
Le trésor de guerre de Michel Rocard
Mais en 2016, il avait assuré le tribunal qu’il avait ouvert un compte en Suisse par pur militantisme, pour y abriter le trésor de guerre de Michel Rocard, dont il espérait « qu’il aurait un destin national ». Michel Rocard n’étant plus là pour le contredire, le tribunal avait été moyennement convaincu par le flou de ses déclarations.
Le tribunal avait jugé que les faits étaient « d’une rare et exceptionnelle gravité », d’autant que le ministre « incarnait la politique fiscale de la France ». « Aucune de ses fonctions, aucun événement extérieur, aucune alerte n’ont conduit Jérôme Cahuzac à cesser ses agissements », indique le jugement, au contraire, son « souhait de dissimulation et d’opacité est allé croissant avec l’importance de ses fonctions politiques ».
Son ex-épouse, Patricia Ménard, qui avait elle aussi un compte en Suisse, un autre sur l’île de Man et mis de côté 2,5 millions d’euros, a été condamnée à deux ans de prison. Le couple a de surcroît dû s’acquitter de lourdes pénalités fiscales. Mme Ménard n’a pas fait appel, pas plus que le banquier François Reyl, condamné à un an avec sursis. Seul Philippe Houman, le conseiller suisse du banquier, condamné lui aussi à un an avec sursis, sera présent aux côtés de Jérôme Cahuzac devant la cour d’appel.