Le Drian assure l’Irak du soutien de la France dans l’ère post-Etat islamique
Le Drian assure l’Irak du soutien de la France dans l’ère post-Etat islamique
Par Hélène Sallon (Bagdad, Koweït, envoyée spéciale)
Lors d’une tournée en Irak et au Koweït, le ministre français des affaires étrangères a plaidé pour une reconstruction incluant toutes les composantes de l’Irak.
Le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et le premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, à Erbil, le 12 février. / SAFIN HAMED/AFP
« La France se tiendra fermement aux côtés de l’Irak dans la reconstruction du pays comme elle l’a été contre Daech », a promis le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, à la conférence sur la reconstruction de l’Irak, à Koweït, mardi 13 février. Devant une assemblée de 70 pays et 2 400 entreprises étrangères, M. Le Drian s’est dit « optimiste » pour l’avenir de l’Irak, un « pays riche de ses ressources naturelles, de son capital humain et de sa jeunesse ».
Le ministre a toutefois appelé à veiller au « caractère inclusif » de la reconstruction, rappelant la part prise par le Kurdistan irakien dans la guerre contre l’organisation Etat islamique (EI) et la nécessité de réaliser l’intégration des sunnites, marginalisés en Irak, et des minorités – notamment chrétiennes et yézidies – martyrisées par l’EI.
« Reconstruction, stabilisation et réconciliation nationale. » Le chef de la diplomatie française a martelé ce leitmotiv au cours de sa visite en Irak, lundi, et à Koweït, mardi. A Bagdad, il s’est entretenu avec le premier ministre, le chiite Haïder Al-Abadi, le président, le kurde Fouad Massoum, et le chef du Parlement, le sunnite Salim Al-Joubouri. Alors que les premières élections législatives post-EI sont fixées au 12 mai, M. Le Drian a plaidé pour un processus électoral inclusif respectant les différentes communautés. « M. Abadi prend vraiment au sérieux cette logique d’inclusivité malgré les pressions qu’il peut subir et l’échéance électorale. Il faut l’accompagner dans cette démarche », a-t-il estimé.
« Le combat continue »
Sa venue en Irak est une marque de soutien manifeste à Haïder Al-Abadi, dont la reconduction à un deuxième mandat est loin d’être assurée. Artisan de la victoire contre l’EI, M. Abadi est considéré par Paris comme le meilleur garant de la restauration et de la réforme de l’Etat irakien. Le président Emmanuel Macron doit se rendre prochainement en Irak, où il signera un accord-cadre définissant les orientations générales de la coopération bilatérale pour les dix années à venir.
Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, était une autre étape obligée pour M. Le Drian, alors que Paris a joué un rôle de facilitateur dans le différend qui oppose le pouvoir central à la région autonome depuis le référendum d’indépendance, tenu par les Kurdes en septembre 2017.
Les négociations en cours entre Bagdad et Erbil pour trouver un accord a minima sur la réouverture des aéroports et le versement des salaires des fonctionnaires kurdes – deux mesures punitives décidées par Bagdad en réaction au référendum – étaient au menu de la rencontre, lundi soir à Erbil, avec le premier ministre kurde Nechirvan Barzani. « Les éléments sont réunis pour qu’ils trouvent un accord. La volonté existe. Il faut qu’ils puissent la concrétiser », a estimé M. Le Drian, convaincu que l’échéance électorale de mai jouait en faveur d’un accord.
A Koweït, mardi matin, le ministre français a retrouvé ses partenaires au sein de la coalition internationale anti-EI pour tirer le bilan de trois ans de guerre en Irak et en Syrie. « Les interventions n’ont pas été triomphalistes. Il a été souligné que le combat continue », a commenté M. Le Drian, alertant sur les dangers d’abandonner l’Irak dans cette phase de reconstruction. « Si le processus de stabilisation ne commence pas vite, les germes sont là pour que ressurgissent d’autres formes de terrorisme », a précisé M. Le Drian.
La France est ainsi déterminée à prendre sa part d’une reconstruction dont le coût est désormais évalué à 88 milliards de dollars (71 milliards d’euros) par Bagdad. Outre un prêt de 430 millions d’euros accordé en 2017, Paris s’est engagée à financer des projets dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de la restauration des filières agricoles par le biais de l’Agence française de développement, dont certains de 25 à 50 millions d’euros.
Une attention particulière est portée à Mossoul, ancienne « capitale » du califat de l’EI, largement détruite par les combats de l’année dernière. La France s’est engagée à allouer 2,5 millions d’euros, par le biais du Programme des Nations unies pour le développement, pour reconstruire la faculté de médecine de l’université de Ninive, ainsi que la faculté des arts et le département de français de l’université de Mossoul.
Deuxième contributeur à la coalition anti-EI, la France n’entend pas se laisser distancer sur les nouveaux marchés à conquérir. A une trentaine de chefs d’entreprises françaises, Jean-Yves Le Drian a dit compter sur leur « présence et [leur] réactivité ». « Investir en Irak aujourd’hui reste à la fois un pari et une chance et nos entrepreneurs ont besoin de garanties solides en matière de sécurité physique, juridique et environnementale. Je crois qu’elles leur ont été données », a souligné M. Le Drian, évoquant les réformes promises par Bagdad. Pour les accompagner, le chef de la diplomatie française va mettre sur pied et piloter une task force qui coordonnera les acteurs et les réponses françaises à la reconstruction irakienne.