EDF espère un « rebond » après une mauvaise année 2017
EDF espère un « rebond » après une mauvaise année 2017
Par Jean-Michel Bezat
L’électricien public a annoncé un résultat net de 2,8 milliards d’euros. La baisse de 31% par rapport à 2016 s’explique de prix bas et de fort recul des production nucléaire et hydraulique.
Centrale nucléaire de Tricastin à Saint-Paul-Trois-Chateaux et Pierrelatte (Drôme et Vaucluse), 10 octobre 2017. / PHILIPPE DESMAZES / AFP
EDF avait rarement connu une année aussi médiocre, jetant un doute sur sa capacité à mener à bien ses nombreux et coûteux chantiers dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les services. Ses dirigeants ont annoncé, vendredi 16 février, un résultat net courant de 2,8 milliards d’euros, en recul de 31 % par rapport à 2016.
Si l’on intègre notamment la cession à la Caisse des dépôts et consignations de 49,9 % de Réseau de transport d’électricité (RTE), gestionnaire du réseau de lignes à haute tension, et des cessions d’actifs (Pologne, Hongrie...), le résultat net part du groupe atteint 3,2 milliards (+ 11,3 %). EDF propose un dividende de 0,46 euro par action au titre de 2018, tout en maintenant l’option d’un paiement en actions nouvelles.
Le groupe public d’électricité, qui a bénéficié d’une augmentation de capital de 4 milliards d’euros en mars 2017, a réalisé un bénéfice avant impôts et charges (Ebitda) de 13,7 milliards (– 16,3 %) pour un chiffre d’affaires de 69,6 milliards (– 2,2 %). Son bilan financier est aussi soutenu depuis trois exercices (2015-2017) par la décision de l’Etat, détenteur de 83,5 % du capital, de se faire verser son dividende en actions et non en cash, ce qui a permis au groupe de conserver 5 milliards d’euros en caisse.
Progression des énergies nouvelles
Plusieurs phénomènes expliquent ces mauvais résultats, annoncés depuis plusieurs mois par le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy. A commencer par la dégradation des prix du marché de l’électricité dans un environnement où EDF, qui n’est plus protégé par son monopole, a perdu un million de clients en France au profit de ses concurrents (Engie, Total, Direct Energie...).
En outre, la production des 58 réacteurs nucléaires français a reculé de 1,3 % (à 379,1 térawatts-heure) en raison de nombreux arrêts programmés de tranches pour maintenance, de problèmes techniques imprévus et de la mise hors service temporaire des quatre réacteurs du Tricastin (Drôme) pour des travaux réclamés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
De son côté, la production hydraulique a fortement reculé (– 12,5%) en raison d’un manque de pluie jusqu’à début décembre 2017. Seules les énergies nouvelles (solaire, éolien) ont progressé (+ 10,9 %). Et EDF a annoncé mi-décembre, au moment du One Planet Summit de Paris, un ambitieux « plan solaire » de 30 gigawatts de puissance installée entre 2020 et 2035.
Baisse des coûts
L’électricien public français, qui a réduit son endettement net de 4,4 milliards (33 milliards), continue de tabler sur un rebond de ses performances cette année. Alors qu’il a été négatif de 209 millions l’an dernier, le cash-flow sera « proche de l’équilibre » après dividende (hors compteur communiquant Linky, nouveaux développements, cessions d’actifs et éventuel acompte sur dividende au titre de 2018), a indiqué M. Lévy. L’Ebitda pourrait s’établir dans une fourchette de 14,6 à 15,3 milliards en 2018.
L’année suivante, le plan de baisse des coûts opérationnels sera amplifié. Car 2019 sera marqué, selon EDF, par un recul de la production nucléaire par rapport à 2018. En cause, le démarrage de l’EPR de Flamanville (Manche) toujours prévu fin 2018 mais qui ne compensera pas la fermeture simultanée de Fessenheim (Haut-Rhin) ; et de lourdes visites « décennales » de l’ASN sur ses centrales, plus nombreuses et incluant deux « têtes de série » pour ses réacteurs de 900 mégawatts (Tricastin) et de 1 450 mégawatts (Chooz).
Premier électricien nucléaire mondial, EDF a intégré en 2017 les activités de fabrication et de maintenance des chaudières nucléaires d’Areva NP, rebaptisée Framatome, tandis qu’Orano (ex-Areva) se recentrait sur le cycle du combustible (extraction et enrichissement de l’uranium, retraitement des déchets). Le groupe est désormais à la tête d’une filière dont les perspectives commerciales, en France et à l’étranger, restent très incertaines sur un marché des nouveaux réacteurs peu actif et très concurrentiel.
« EPR optimisé »
Les dirigeants d’EDF ne maîtrisent pas tous les éléments de l’avenir de cette filière. Ils se félicitent du report au-delà de 2025 de la baisse de 75 % à 50 % de la part du nucléaire, annoncée à l’automne par le gouvernement. Sous réserve du feu vert de l’ASN, ils peuvent ainsi espérer exploiter une grande partie du parc durant cinquante ans. Mais le gouvernement devra tôt ou tard définir l’avenir du mix énergétique – et donc la part de l’atome civil par rapport aux autres sources de production d’électricité.
De son côté, EDF-Framatome présentera d’ici à 2020 un « EPR optimisé », un réacteur de troisième génération censé être aussi sûr mais moins coûteux (autour de 6 milliards d’euros) que la première version construite en France, en Finlande, en Chine et depuis peu au Royaume-Uni. C’est lui qui serait en priorité construit en France, avant d’être proposé aux électriciens étrangers.
Enfin, EDF devra aussi mener à bien le chantier des deux EPR d’Hinkley Point (Royaume-Uni). Après les dérives financières de Flamanville, il n’a pas droit à l’erreur compte tenu des sommes en jeu : 22 milliards d’euros, dont les deux tiers à sa charge.