Hailemariam Desalegn, premier ministre démissionnaire d’Ethiopie, le 15 février. / Stringer / AP

Au lendemain de la démission du premier ministre Hailemariam Desalegn, le gouvernement éthiopien a décrété, vendredi 16 février, l’état d’urgence avec effet immédiat, a rapporté la télévision publique. On ignorait encore vendredi soir pour combien de temps. Le dernier avait pris fin il y a seulement six mois – il avait été instauré entre octobre 2016 et août 2017.

« Afin d’être en mesure de protéger le système constitutionnel, l’instauration de l’état d’urgence est devenue nécessaire », a fait savoir le présentateur du journal de la télévision publique EBC, lisant un communiqué officiel du gouvernement.

Cela faisait plusieurs mois que la capitale, Addis-Abeba, bruissait de rumeurs sur une possible démission du premier ministre, affaibli par une crise politique marquée par des manifestations antigouvernementales sans précédent depuis un quart de siècle. Mais sa démission, jeudi, a malgré tout supris les observateurs, qui ne s’attendaient pas à une annonce aussi rapide. C’est en effet une première dans l’histoire récente du pays.

L’exécutif éthiopien, face à la colère populaire, avait récemment promis des réformes et entrepris la libération de centaines de prisonniers, dont des opposants de haut rang. Jeudi, M. Hailemariam a expliqué sa démission en assurant vouloir lui-même « faire partie de cette solution de réformes ».

  • Quelle est l’origine des manifestations antigouvernementales ?

Le mouvement de protestation a débuté fin 2015 en région oromo (sud et ouest), la plus importante ethnie du pays, puis s’était étendu à d’autres régions, dont celle des Amhara (nord). Sa répression a fait au moins 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l’homme, liée au gouvernement. Le calme n’était revenu qu’avec l’instauration de l’état d’urgence, même si d’occasionnelles manifestations ont encore lieu.

Ces manifestations étaient avant tout l’expression d’une frustration des Oromo et des Amhara, face à ce qu’ils perçoivent comme une surreprésentation de la minorité des Tigréens au sein du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), qui règne sans partage depuis 1991, et plus largement une limitation des libertés individuelles et un déséquilibre dans le partage des richesses.

  • Et maintenant ?

La démission de M. Hailemariam doit encore être approuvée par le conseil de l’EPRDF et par le Parlement, une simple formalité a priori. M. Hailemariam devrait toutefois rester à son poste jusqu’à la nomination d’un successeur.

L’instauration de ce nouvel état d’urgence a pour but de prévenir d’éventuelles manifestations et affrontements ethniques, « mais il ne fera qu’empirer les choses s’il est interprété comme une intensification de la répression », estimait René Lefort, chercheur indépendant spécialiste de l’Ethiopie, à l’AFP.