Le flop des « class actions » à la française
Le flop des « class actions » à la française
LE MONDE ECONOMIE
De nombreuses contraintes freinent l’utilisation des recours collectifs.
Benoît Hamon est à l’origine de la loi consommation du 17 mars 2014 qui redonne du pouvoir aux consommateurs et leur permet d’intenter des recours collectifs. / FRANCISCO LEONG / AFP
Trois ans et demi après leur entrée en vigueur, le 1er octobre 2014, les class actions à la française se comptent sur les doigts des deux mains. Le dispositif des actions de groupe, qui permet aux consommateurs d’être collectivement dédommagés d’un litige auprès d’une entreprise, a certes le mérite d’exister, mais ses nombreux écueils en ont freiné l’utilisation.
Principale faille du système : la lenteur des procédures et la pré-instruction obligatoire par l’une des quinze associations de consommateurs agréées en France, qui n’ont pas toutes les moyens humains et financiers nécessaires. « Pour pouvoir enclencher une action de groupe, il faut avancer au minimum 50 000 euros, en temps de travail, frais d’avocat, suivi des consommateurs… », nous expliquait Nadia Ziane, l’une des représentantes de l’association Familles rurales, en novembre 2017, au moment où le gouvernement projetait de réduire les aides au mouvement consumériste. « Nous avons deux actions de groupe en cours, et nos budgets ne nous permettent plus d’en engager une troisième, même si les sujets ne manquent pas. » Ce filtre des associations de consommateurs avait été retenu à l’époque par le gouvernement pour éviter les écueils américains.
Procédure artisanale
La procédure est d’autant plus complexe à mettre en œuvre qu’elle reste artisanale. Fin 2015, un cabinet d’avocats allié à une association de consommateurs avait tenté de lancer une action collective contre la vente forcée de vaccins multiples incorporés dans un vaccin DT polio. « Face aux trop nombreux plaignants (plus de 3 000 très rapidement), les systèmes informatiques avaient planté », se souvient Pierre-Jean Esbelin, prestataire informatique pour le cabinet d’avocat à l’époque, qui vient de développer un système permettant d’automatiser le processus.
Autre frein, en France, seul le préjudice économique est indemnisable dans le cadre de ces actions de groupe. Le préjudice moral ne l’étant pas, cela limite le nombre d’actions collectives, comme dans le cas des moteurs truqués de Volkswagen. Cette fraude joue, en effet, sur le niveau de pollution, mais non sur la consommation, cela n’a donc pas d’impact économique. La généralisation de la médiation à tous les secteurs de la consommation depuis le 1er janvier 2016 restreint aussi le nombre de procédures déclenchées, souvent déminées en amont par les entreprises elles-mêmes.