La relation pas très amicale de la Fédération française de rugby et de son association d’anciens joueurs
La relation pas très amicale de la Fédération française de rugby et de son association d’anciens joueurs
Par Adrien Pécout
Depuis un an, la FFR refuse de financer l’Amicale des internationaux du rugby français. Qui vit très mal la situation.
Le siège de la Fédération française de rugby, à Marcoussis (Essonne), en février 2018. / RÉGIS DUVIGNAU / REUTERS
Ils ont cessé de jouer depuis des décennies déjà, mais ils se font encore du souci. L’Amicale des internationaux du rugby français (AIRF) craint pour son avenir. Dans un courrier en date du 14 février, l’association des anciens joueurs du XV de France a averti ses adhérents de « sérieuses menaces » venant… de la Fédération française de rugby (FFR). Statutairement, la petite structure dépend pourtant de la « fédé » depuis 1932.
Cet argument historique semble peu émouvoir Bernard Laporte. Dès février 2017, deux mois après son élection, le nouveau président de la FFR décidait de couper les vivres à l’Amicale. Dit autrement : fin immédiate de la convention et des subventions fédérales. Une mesure prise « sans aucune concertation », regrette aujourd’hui Jean Gachassin, président de cette Amicale, après avoir été celui de la Fédération française de tennis.
Sa lettre dénonce une « décision dénuée de tout respect et de toute reconnaissance de la FFR à l’égard des générations et des légendes du rugby français. » « Ce qui est en train de se passer est très grave », conclut le texte, qui en appelle à la « mobilisation » pour maintenir en vie l’association. Le budget du collectif se rapproche aujourd’hui du néant, hormis la cotisation annuelle de sa centaine de membres : près de 30 euros par adhérent.
« On nous a pris en grippe », estime Jean-Claude Gavoux, secrétaire général de l’« asso », jadis intendant du XV de France. Parmi les anciens internationaux, eux aussi indignés, quelques figures de l’Ovalie : Pierre Villepreux et Jean Gachassin (vainqueurs du Grand Chelem de 1968 au Tournoi des cinq nations), mais aussi Pascal Ondarts, Jean-Pierre Garuet, Eric Champ ou Philippe Dintrans (finalistes de la Coupe du monde 1987).
La « commission des internationaux »
Depuis un an, l’Amicale s’ajoute à d’autres victimes de la présidence Laporte. Il y eut d’abord le duo d’entraîneurs de l’équipe de France féminine, congédié malgré un titre au Tournoi des six nations ; puis le patron de l’arbitrage, ou encore de la commission médicale ; et enfin le sélectionneur du XV de France masculin, Guy Novès, viré sans autre forme de procès. Tous associés de près ou de loin à l’époque de Pierre Camou, prédécesseur de M. Laporte.
Contactée par Le Monde, la direction de la FFR se défend de toute « discrimination » à l’encontre de ces anciens internationaux. Christian Dullin, nouveau secrétaire général de la « fédé », avance l’argument qu’« l’Amicale n’avait pas un rôle clairement établi » et résume son action à l’organisation de matchs de gala « de plus en plus rares » au fil du temps.
Le dirigeant évoque aussi « l’affaire de billetterie » révélée en novembre 2016, au cœur de la campagne qui opposait Bernard Laporte à Pierre Camou. Le site « Mediapart » accusait alors Gérald Martinez, le précédent responsable de l’Amicale, d’avoir profité pendant des années de sa fonction pour se livrer à un trafic de billets de matchs du XV de France.
Un an plus tard, en décembre 2017, la « fédé » a finalement créé une nouvelle commission pour remplacer en interne l’association : « la commission des internationaux ». A terme, la cellule devrait fonctionner avec un budget équivalent à celui de l’Amicale autrefois. Une somme fluctuante au gré des années et estimée à plus de 50 000 euros lors de la saison 2015-2016.
« Pas une affaire politique »
La composition de cette nouvelle commission peut surprendre. Outre deux anciens joueurs galonnés (Alain Lorieux et Pascal Papé), elle comprend aussi deux invités plus inattendus, tous deux sympathisants de l’équipe Laporte : Michel Tachdjian, seulement 3 matchs avec les Bleus en 1991, et Henri Mioch, jamais sélectionné en équipe de France. L’ex-joueuse Danièle Irazu figure aussi dans ce groupe restreint, tout comme elle figurait parmi les quatorze membres du comité directeur de l’Amicale.
« Comme pour toutes les commissions, les nominations ont été faites en interne », explique Christian Dullin. Le secrétaire général assure que la création de cette entité a d’abord fait l’objet d’une annonce au comité directeur de la fédération. Sur le site Internet de la FFR, impossible d’en trouver trace : le dernier procès-verbal publié remonte à une réunion du… 22 septembre 2017.
« Je ne suis pas plus pro-Laporte que pro-Camou », assure Alain Lorieux, président de cette commission, qui s’est réunie pour la première fois en janvier. Proche de M. Dullin, le finaliste du Mondial 1987 précise : « Nous ne sommes fermés à personne. Je n’en fais pas une affaire politique. Moi, ce qui m’intéresse, c’est tous les anciens internationaux laissés pour compte. »
Samedi 17 mars, à l’initiative des Gallois, le prochain pays de Galles-France pourrait déjà donner lieu à un rassemblement : des retrouvailles entre vainqueurs du Tournoi des cinq nations 1968, à Cardiff, un demi-siècle après le premier Grand Chelem français.
Alain Lorieux entend aussi impliquer les retraités des Bleus dans la promotion de la Coupe du monde 2023 en France. Il travaille déjà au recensement de tous ceux encore en vie : plus de 600, selon ses calculs. Mais nulle mention de Bernard Laporte, le président n’ayant jamais été convoqué en équipe nationale du temps où il jouait à Bordeaux-Bègles.