Laurent Corvaisier

« C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! » Le concours, un pic à gravir, un cap à franchir… Et une incroyable péninsule à explorer. Comme le Cyrano d’Edmond Rostand, ils doivent en avoir, du nez, les quelque 200 000 lycéens, bacheliers et étudiants qui s’affrontent chaque année à l’une de ces nombreuses et impitoyables épreuves éliminatoires d’entrée dans les études supérieures…

Le concours, monument national. Intouchable, donc à réformer. A l’instar du baccalauréat, dont le premier de cordée Jean-Michel Blanquer vient d’entamer l’ascension par la face nord. Ou de l’ENA, que le président de la République (et ancien élève) Emmanuel Macron veut faire descendre de son piédestal.

Une impitoyable « sélectocratie »

Dans une France qui se rêve en « méritocratie », mais pratique une impitoyable « sélectocratie », « le concours incarne le contrat social entre l’Etat et les citoyens », analyse Annabelle Allouch, dans son livre La Société du concours. L’empire des classements scolaires (Seuil, 2017). Seulement voilà, né avec la Révolution, ce mode d’accès des élites républicaines aux grandes écoles s’est transformé au fil des décennies en un mode de régulation des flux et un moyen de distinction sociale, « loin des référents démocratiques et républicains », observe la sociologue.

Aujourd’hui, la saison des concours prend des allures de marathon : « 30 km avec les jambes, 10 km avec les tripes », disait Alain Mimoun, champion olympique en 1956. Beaucoup critiquent cette « exception française ». Mais qui veut vraiment l’abolir ?

« Il faut imaginer Sisyphe heureux »

Les grandes écoles – autre exception française – veulent toutes « leur » concours. Même si les voies parallèles sont en plein essor, pour tenter de capter les « oubliés » de la méritocratie, les bacs pro, les bacs techno… Trop de concours peuvent-ils tuer le concours ? Les écoles ne se posent guère la question, qui dépensent les deux tiers de leur budget concours en communication. Ni les prépas privées devenues un vrai business pour rivaliser avec les indétrônables lycées ­publics, Henri-IV, Louis-le-Grand, Fermat… La « start-up nation » à l’assaut des monuments républicains.

L’université ? Officiellement, très peu pour elle la sélection à l’entrée… Pourtant, le concours de médecine demeure une référence et l’un des plus élitistes : plus de 58 000 candidats en première année (redoublants compris) pour 13 500 places en 2017. Le principe, le déroulement, les limites de ce mode de sélection des futurs professionnels de la santé, ainsi que son numerus clausus sont sur la sellette. Aussi, cette année, quelques facultés de médecine vont tester des alternatives au couperet de la première année. ­Encore un marathon…

L’étudiant, enfin, surtout, premier concerné. Qui bûche, qui passe, qui rate et qui retente cette « féroce épreuve initiatique » dont on lui parlera encore dans trente ans. Entouré de ses proches – ou pas. Encadré par ses profs – ou pas. Embastillé dans une prépa – ou pas. Cet étudiant qui assume sans broncher de passer « du meilleur de mon lycée au dernier de ma classe », comme le confie l’un d’eux au Monde. « Il faut imaginer Sisyphe heureux »… De Cyrano à Camus, le concours, une histoire française.

Découvrez notre dossier spécial sur les concours

Le Monde publie, dans son édition datée du jeudi 8 février, un supplément dédié aux nombreux concours de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse de l’accès aux études de médecine, aux grandes écoles, et des « prépas » qui permettent de les réviser. Ses différents articles sont progressivement mis en ligne sur Le Monde.fr Campus, rubrique Concours.