Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Ramallah le 14 janvier. / Majdi Mohammed / AP

Affaibli et confronté à une administration américaine clairement engagée en faveur des intérêts israéliens, Mahmoud Abbas se tourne une nouvelle fois vers l’ONU. Il doit s’exprimer, mardi 20 février, devant le Conseil de sécurité, où il ne s’est pas présenté depuis 2009. Il y revient dans un contexte diplomatique moins favorable, alors que les relations entre Washington et Ramallah sont au plus bas depuis la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël, le 6 décembre. L’Autorité palestinienne rejette par avance le plan de paix sur lequel travaillent les émissaires de l’administration Trump.

Selon un porte-parole palestinien, le raïs de bientôt 83 ans devrait demander au Conseil de sécurité, lors d’un discours « combatif mais modéré », de promouvoir un cadre plus élargi et multilatéral aux négociations de paix, pour contrer l’hégémonie des Etats-Unis sur ce dossier. « Le conseil doit enfin jouer son rôle de garant de la paix et de la sécurité internationale », juge Riyad Mansour, le représentant palestinien à l’ONU. L’AP a envisagé de demander une reconnaissance de la Palestine comme état membre à part entière, mais le veto américain écrit d’avance condamnerait une telle initiative au Conseil de sécurité.

« Etats-Unis trop biaisés »

L’Autorité palestinienne dispose d’une marge de manœuvre infime. Mahmoud Abbas a pris une résolution diplomatique ferme, à la suite de la reconnaissance unilatérale de Jérusalem, au début de décembre : celle de ne plus accepter la médiation américaine exclusive. « Les Etats-Unis sont devenus trop biaisés, explique Majdi Al-Khladi, conseiller diplomatique de M.Abbas. Notre idée est de demander au Conseil de sécurité et à la communauté internationale d’établir un nouveau mécanisme multilatéral pour les négociations de paix. Ça peut être le Quartet élargi, ou bien les cinq membres du Conseil de sécurité plus d’autres pays. Il faudrait réunir une conférence internationale de paix pour mettre en place ce mécanisme. »

La direction palestinienne a multiplié les échanges diplomatiques ces dernières semaines. Mahmoud Abbas s’est rendu à Bruxelles et à Moscou, comptant sur une implication plus forte de l’Union européenne et de la Russie. Il sait pourtant que ceux-ci ne sont pas capables et désireux de concurrencer les Etats-Unis dans leur rôle historique de médiateur. Quant aux dernières conférences multilatérales – celles organisées par la France en juin 2016 et janvier 2017 – elles n’ont produit aucun résultat.

Mots très durs

Les capitales sont réservées sur cette volonté palestinienne d’internationaliser le processus de paix. M. Abbas se déplace à New York à l’invitation du Koweït, qui préside le Conseil de sécurité au mois de mars. Il sera le seul chef d’Etat à s’exprimer dans le cadre du traditionnel débat mensuel sur la situation au Proche-Orient. Pour la première fois depuis la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, et après avoir refusé de rencontrer le vice-président Mike Pence lors de sa tournée au Proche-Orient en janvier, il fera face à un officiel américain.

L’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley assistera à la séance malgré les mots très durs qu’elle avait eus contre le leader palestinien, l’accusant de se livrer « à des théories conspirationnistes scandaleuses qui ne reflètent ni le courage ni la volonté de rechercher la paix ». Avant de trancher : « Pour obtenir des résultats historiques, nous avons besoin de leaders courageux. » M. Abbas viendra apporter un « démenti à la stigmatisation américaine », estime un responsable occidental, qui assure que le Conseil « va chercher à renforcer [M. Abbas] plutôt qu’à l’affaiblir ».

Gagner du temps

Les leviers à la disposition du président palestinien pour convaincre ses interlocuteurs du Conseil de sécurité restent cependant très limités. « Il y a un certain attentisme vis-à-vis de ce que nos partenaires américains vont proposer comme plan de paix », estime un diplomate européen, qui ne s’attend à aucune « révolution » lors de la réunion du Conseil de sécurité. Lorsque Washington aura dévoilé son initiative – si cela finit par se produire – « il y aura forcement des réactions négatives ». Il sera alors temps juge-t-il « de la compléter, de la corriger et de la replacer dans un cadre plus collectif ».

En attendant de connaître les lignes exactes du plan de paix préparé par l’administration Trump, que l’AP rejette par avance, le vieux raïs palestinien gagne du temps. La coordination sécuritaire et les contacts politiques se poursuivent pourtant avec les Israéliens. Au nom de projets économiques communs, plusieurs rencontres ont récemment été organisées. Lundi soir, le premier ministre Rami Hamdallah, avec son ministre des finances Shukri Bishara, a accueilli à Ramallah le ministre des finances israélien, Moshe Kahlon. Il s’est aussi entretenu avec Yoav Mordechaï, le chef du Cogat, l’administration qui coordonne les activités gouvernementales dans les territoires occupés, et symbolise l’occupation. Enfin, c’est à Paris que le ministre israélien de l’économie, Eli Cohen, a rencontré son homologue Abeer Odeh.