Syrie : « La Ghouta orientale est un autre Srebrenica », « le massacre du XXIe siècle »
Syrie : « La Ghouta orientale est un autre Srebrenica », « le massacre du XXIe siècle »
Alors que les bombardements du régime syrien et de son allié russe ont tué plus de 250 civils en deux jours dans l’enclave rebelle proche de Damas, la presse internationale dénonce l’absence de réponse de la communauté internationale.
Tandis que la Ghouta orientale n’en finit pas de compter ses morts et ses blessés, au quatrième jour de l’offensive de l’armée de l’air syrienne sur cette enclave de la périphérie de Damas où sont assiégés, depuis 2013, quelque 400 000 habitants, la paralysie de la communauté internationale, qui ne parvient pas à adopter une position commune contre les massacres, faisait réagir la presse internationale.
Une paralysie que dénonce le quotidien britannique The Guardian, dans une tribune intitulée « La Ghouta orientale est un autre Srebrenica, et nous détournons le regard une fois encore ». Consacrant sa « une » au sujet, le quotidien dresse un parallèle avec le siège de l’enclave de Srebrenica, durant la guerre de Bosnie, en juillet 1995, qui avait conduit au massacre de plus de 8 000 hommes et adolescents, sous les yeux d’une communauté internationale qui avait « détourné le regard ».
The Guardian front page, Wednesday 21 February 2018 | ‘This is a catastrophe’: Hundreds killed in two days of Syria… https://t.co/fgsUdCS6YV
— guardian (@The Guardian)
« Le Srebrenica syrien »
« Avec chaque enfant qui meurt, chaque acte de barbarie qui reste impuni, la Ghouta orientale ressemble de plus en plus à ce que Kofi Annan avait appelé un jour le pire crime jamais perpétré en Europe depuis 1945. La Ghouta orientale est en train de devenir le Srebrenica syrien », alerte le journaliste Simon Tisdall :
« A Srebrenica, quelque 8 000 hommes et adolescents musulmans furent massacrés en quelques jours. (…) Le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie a plus tard déclaré que ces crimes constituaient un génocide. (…) La communauté internationale savait pourtant très bien ce que le général Radko Mladic [commandant en chef de l’armée de la République serbe de Bosnie] était en train de faire, et qu’un massacre était imminent. Elle a détourné le regard. L’agonie de la Ghouta orientale (…) est plus lente mais ignorée de la même façon. Encore une fois, des civils, dont de nombreux enfants, sont massacrés. Encore une fois, les pouvoirs occidentaux, avec des forces présentes dans le pays, refusent d’intervenir. Encore une fois, les Nations unies sont impuissantes. »
Et le journaliste de conclure : « Aujourd’hui, dans la Ghouta orientale, comme à Srebrenica en 1995, des crimes abominables qui pourraient constituer un génocide sont commis. En novembre, Mladic a enfin été reconnu coupable de génocide à La Haye. Cela a pris vingt-deux ans. Combien faudra-t-il encore que d’enfants meurent avant que justice ne soit faite en Syrie ? »
La chaîne américaine de télévision CNN reprend cette comparaison avec la situation en Bosnie dans une analyse intitulée « L’échec de la communauté internationale sur la Ghouta orientale », estimant qu’il s’agit d’un « tournant, comparable à d’autres moments critiques pour les droits de l’homme ces vingt-cinq dernières années ».
« Après trois ans d’horreur en Bosnie, il a fallu le massacre de Srebrenica pour pousser l’Occident à passer à l’action contre les Serbes de Bosnie », souligne CNN, avant de rappeler « l’appel désespéré » du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme la semaine dernière :
« Au moins, la communauté internationale avait mis fin au conflit en Bosnie au bout de quatre ans. Mais après sept ans de conflit sanglant, le conflit syrien continue. Et l’échec à y mettre fin signe la faillite de la diplomatie internationale. »
« Le massacre du XXIe siècle »
« Un massacre. Comment appeler autrement ce qu’il se passe dans la Ghouta, cette zone naguère agricole, ancien poumon vert de Damas, transformée ces derniers jours en enfer sur terre ? », s’alarme également le quotidien belge Le Soir, dans un article intitulé « Le massacre du XXIe siècle se déroule à un jet de pierre de Damas ».
« Si Srebrenica a été le massacre des années 1990, Sabra et Chatila et Halabja les massacres des années 1980, alors celui de la Ghouta orientale est celui de ce siècle… témoigne aussi dans le Guardian un médecin de la Ghouta orientale. Y a-t-il plus grand terrorisme que tuer des civils avec toutes sortes d’armes ? Est-ce une guerre ? Ce n’est pas une guerre. Cela s’appelle un massacre. »
« Ce régime et ses alliés reproduisent là les crimes dont ils s’étaient rendus coupables à Alep et cette sauvagerie est si atroce qu’on voudrait presque que ses auteurs l’emportent au plus vite, que ces monstres gagnent au plus vite, pour que cela cesse mais non, rien ne cessera », dénonce aussi le chroniqueur géopolitique Bernard Guetta, sur France Inter mercredi matin.
« On veut terroriser la population, l’obliger à fuir »
« C’est un nouveau massacre, c’est pire qu’Alep », témoigne encore Raphaël Pitti, médecin de guerre qui s’est rendu de nombreuses fois en Syrie, au micro d’Europe 1 mercredi. En contact avec la population civile de la Ghouta, il atteste que « six hôpitaux ont été totalement détruits » au cours de la journée de mardi. « Ce ne sont pas des bavures. Les hôpitaux sont systématiquement détruits. On veut terroriser la population, l’obliger à fuir, à céder », dénonce-t-il :
« On est dans un état de siège déjà depuis plusieurs mois. La population est affamée, des enfants meurent. On est dans une situation épouvantable sur le plan humanitaire. »
M. Pitti se dit « effondré » par le silence de la communauté internationale, estimant qu’« on aurait dû prévenir cette situation, on la voyait arriver depuis plusieurs mois. Les convois de l’ONU ne pouvaient même pas rentrer à l’intérieur de la Ghouta pour approvisionner les populations ».
Syrie : les images après les bombardements sur l’enclave rebelle de la Ghouta
Durée : 01:31