­Séverin Meuillet (à droite) avec Thomas Garcia et Cagri ­Parlakkilic, avec lesquels il a lancé Moi, moche et bon. / Moi moche et bon

Rien ne s’est passé comme prévu. En 2013, lorsqu’il intègre le ­bachelor « jeune entrepreneur » de l’EM Strasbourg, ­Séverin Meuillet n’envisage pas de créer sa société. Pourtant, trois ans après, lorsqu’il décroche son diplôme, il est à la tête de Moi moche et bon, une entreprise de jus de pomme qui connaît un certain succès.

Tout a basculé en deuxième année. Avec deux amis, Thomas Garcia et Cagri ­Parlakkilic, il a l’idée de récupérer chez les maraîchers les pommes écartées de la vente en raison de leur aspect. Ce qui était initia­lement un projet scolaire prend de l’ampleur. Avec 150 000 bou­teilles vendues, la start-up ­engrange 300 000 euros de chiffre d’affaires. En 2017, Séverin Meuillet quitte l’aventure pour… cofonder une autre entreprise.

Ces filières, souvent structurées autour d’un incubateur, privilégient la pratique aux cours ­magistraux.

Ces étudiants entrepreneurs sont de plus en plus nombreux dans les écoles de commerce. A la Toulouse Business School (TBS), le parcours « entrepreneurship » accueille 44 étudiants sur le campus de Barcelone, ­contre 25 à son lancement. Pour répondre à la demande, Skema Business School propose, depuis septembre 2017, une major ­« entrepreneuriat » dans le cadre de son « bachelor of business ­administration » (BBA).

Ces filières, souvent structurées autour d’un incubateur, privilégient la pratique aux cours ­magistraux. Pour Philippe Chéreau, directeur du dispositif de formation à l’entrepreneuriat Skema Ventures, le format bachelor est particulièrement adapté à cet ­apprentissage par l’action. « Les jeunes qui sortent d’un cursus très académique, comme la prépa, ont tendance à attendre les directives pour avancer. Alors que ceux qui entrent directement en bachelor sont plus aptes à prendre des ­initiatives », remarque-t-il.

Conseil en stratégie des professeurs

« Nous sommes là pour tester et faire des erreurs. Il n’y a pas de pression. On a les avantages de l’entrepreneur, mais pas les contrain­tes », résume Colin ­Dargent, en deuxième année à l’EM Strasbourg et cofondateur d’EsTTeam, une société qui ­accompagne les entreprises dans leur processus d’innovation. Cette école a mis en place une pédagogie qui oblige les élèves à être autonomes. « Ils sont acteurs de leur formation. S’ils rencontrent des limites dans leur ­projet, un enseignant peut leur apporter une expertise. C’est à eux d’en faire la demande », souligne ­Didier Wehrli, directeur ­délégué bachelors.

« Quand on atteint un certain stade de développement, comme ce fut le cas pour Moi moche et bon, les professeurs nous conseillent pour les choix stratégiques », complète Séverin Meuillet. Car il n’est pas question de laisser ces entrepreneurs en herbe courir à la catastrophe. « Il est totalement irresponsable de dire qu’il faut se lancer et apprendre en marchant. Avec 30 000 euros d’emprunt étudiant, se casser la ­figure, c’est un traumatisme. Nous devons les aider à trouver leurs premiers clients, notamment en leur ouvrant notre réseau », ­estime Philippe Chéreau.

A Toulouse Business School, on assure aussi être attentif à la viabilité des projets. L’école mise sur « la qualité plutôt que sur la quantité ». Ainsi, le nombre de créations d’entreprise à la sortie varie entre un et trois. « Certains étudiants ne veulent pas faire le stage traditionnel en entreprise pour avoir le temps de développer leur concept. Si le projet n’est pas assez solide, nous refusons », précise Pascal Bourbon, respon­sable académique du programme « entrepreneurship ».

« J’ai acquis de nombreuses compétences. Mon actuel employeur a été séduit par mon profil polyvalent. »

Pierre-Augustin Dumez avait, lui, reçu l’aval des enseignants. A l’époque, il travaille avec deux ­camarades, Alex Borràs et Guillermo Rangel, sur une boisson relaxante. Leur entreprise, Just Calm, ne cesse de grossir au point qu’un acteur du secteur ­devient actionnaire majoritaire. Son retrait quelques mois après marque la fin de l’aventure. Mais Pierre-Augustin Dumez n’a pas de regrets. « J’ai acquis de nombreuses compétences. Mon actuel employeur a été séduit par mon profil polyvalent », confie-t-il.

« Les étudiants prennent conscience qu’il est utile de développer des talents d’entrepreneur, même s’ils veulent devenir manageurs, confirme Yancy Vaillant, professeur en stratégie, innovation et entrepreneuriat à TBS. L’esprit d’initiative, la débrouillardise et la capacité à gérer un projet sont autant de qualités recherchées par les recruteurs. »

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