Alexis Contin a pris la dixième place de la mass start, samedi 24 février. / MLADEN ANTONOV / AFP

C’est le lot commun de la plupart des athlètes olympiques : sacrifier des années de préparation pour espérer toucher le précieux métal. Alexis Contin n’a pas échappé à la sentence souvent cruelle des Jeux.

Le Malouin n’a pris que la dixième place de l’épreuve de départ groupé (mass start) en patinage de vitesse, samedi 24 février. Douze fois champion du monde de roller, il n’avait troqué ses roulettes contre des lames que pour les JO et la gloire incomparable qui couvrent celles et ceux qui montent sur l’Olympe. Cinquième sur la ligne d’arrivée – dixième à la faveur des points distribués aux sprints intermédiaires –, le trentenaire a sans doute laissé échapper son ultime chance d’offrir à la France sa première breloque dans la discipline.

A l’arrivée, le Breton s’est repassé les deux derniers tours d’une épreuve qui en compte seize. Les 800 mètres où le podium s’est dessiné :

« On avait bien lu le scénario. A 700 mètres, le Coréen devant moi explose, je me retrouve enfermé. J’ai un bon sprint, mais une fois à vingt mètres [de l’échappée] c’est fini. »

Si le Français n’est pas parvenu à prendre la roue du Belge Bart Swings, à l’origine de l’emballage décisif, Lee Seung-hoon n’a lui pas laissé passer sa chance. Le Sud-Coréen, numéro un mondial et parmi les favoris pour l’or, a réglé le Flamand au sprint pour s’imposer à domicile. En bronze, Koen Verweij a permis aux Néerlandais de cueillir une seizième et dernière médaille dans ces Jeux en patinage de vitesse.

« Je suis un miraculé »

Trois fois sur le podium lors des trois derniers mondiaux, Alexis Contin s’est incliné dans une course où la préparation, aussi optimale soit-elle, n’est qu’une condition du succès, non la promesse. Car la mass start de patinage de vitesse se joue à l’instinct. Après avoir évité les virages musclés et les éventuelles chutes des dix premiers tours, il faut sentir l’attaque ou le décalage qui scellera l’issue des six derniers. Parier sur le mouvement crucial ne garantit pas le podium. Le manquer condamne aux places d’honneur.

« Est-ce qu’on part à 500 mètres [de l’arrivée] pour jouer l’or ou à 700 pour assurer la médaille : la décision se joue en une fraction de seconde, résume Alexis Contin. On s’est dit qu’on jouerait la plus belle des médailles. Il faut continuer dans sa connerie, dans sa décision. Assumer ses choix. » « On vise toujours le plus haut, abonde son entraîneur, Alain Nègre. Il ne faut pas avoir de regret, il faut y aller. »

Sans podium au terme de ses troisièmes Jeux olympiques, le tricolore ne regrette rien de ces cinq derniers mois passés loin chez lui à écumer les patinoires, ni les « sacrifices énormes » consentis par lui et sa fidèle bande : son coach et leurs deux familles.

Il faut dire que le patineur revient de loin. Parmi les meilleurs du monde dans une discipline qui ne compte aucune infrastructure en France, il a vu sa carrière bouleversée par la maladie. Quelques semaines avant Sotchi (Russie), en 2014, les baisses brutales de performance et les « périodes très noires sur le plan mental » trouvent une raison dans les bilans médicaux. Atteint de la maladie de Basedow, la star du roller doit composer avec une thyroïde défaillante. De retour au plus haut niveau, une rechute lui vaut une ablation totale de la glande en décembre 2016.

« J’ai conscience d’être un miraculé. Je ne devrais pas être là. Il y a quatre ans, ma carrière devait s’arrêter. Ça aurait été un conte de fées de monter sur le podium un an après l’opération, mais on vit dans la réalité. »

S’il refuse de prendre une décision à chaud sur la suite à donner à sa carrière, pas sûr que le natif de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), inscrit en parallèle à Sciences Po, soit prêt à repartir pour quatre ans de préparation, à négocier auprès des instances de fragiles ressources.

Du choix d’Alexis Contin sur son avenir découlera sans doute celui du patinage de vitesse en France. « Le futur de la spécialité dépendra en partie de ses résultats en Corée du Sud », expliquait le directeur technique national des sports de glace, Rodolphe Vermeulen, à la veille des Jeux. Pas certain que la dixième place suffise à sauver l’anneau.