Les collèges et lycées de l’académie de Lille, l’une des plus denses de France derrière Versailles et Créteil, vont-ils renouer avec les années noires des suppressions de postes ? Avec 136 postes d’enseignants en moins et 21 chez les personnels administratifs, les 492 établissements publics du second degré du Nord et Pas-de-Calais affichent, en valeur relative, le plus grand nombre de postes supprimés pour la prochaine rentrée.

Pour le SNES-FSU, cette baisse va se traduire par une augmentation du nombre d’élèves par classe, notamment dans les collèges, des horaires d’enseignements réduits et des disparitions d’options. Depuis cinq ans, l’académie de Lille n’avait pas connu de suppressions de postes dans le second degré. « Nous sommes une académie qui a payé un lourd tribut sous Sarkozy, souligne Catherine Piecuch, secrétaire FSU Nord Pas-de-Calais. Depuis 2005, nous avons eu 6 000 suppressions de postes d’enseignants dans les premier et second degrés. » Pour les compenser en partie, 1 309 postes ont été recréés sous l’ère Hollande.

Dans une académie touchée socialement et économiquement, le rectorat a choisi pour la prochaine rentrée de donner la priorité au premier degré en créant 312 postes, essentiellement pour le dédoublement des classes de CP et CE1 en zones prioritaires. « Priorité aux plus fragiles », explique Dominique Martiny, le secrétaire général de l’académie. Alors que le nombre d’élèves devrait augmenter dans le second degré en septembre (661 de plus, selon les estimations du rectorat), l’éducation nationale justifie en partie les suppressions de postes par une baisse d’environ mille élèves dans les lycées professionnels. « On nous dit qu’il y a 7 000 places vacantes dans les lycées pro, mais dans certaines sections il y a 35 élèves par classe, souligne la secrétaire FSU Nord. C’est une hérésie d’avoir des effectifs pareils ! »

Opération collège mort

Ce sont les collèges (– 55 postes) et les lycées professionnels (– 110 postes) qui vont donc être les plus touchés. « C’est un non-sens d’appauvrir les collèges dits “ordinaires”, dénonce Laetitia Aresu, secrétaire SGEN-CFDT Nord Pas-de-Calais. Cela ne nous permet pas de mener à bien nos missions. » Le rectorat se défend : « Notre académie est plutôt bien lotie avec un taux d’encadrement au-dessus de la moyenne nationale car nous avons un secteur avec de plus grandes difficultés sociales. »

Au collège Nadaud à Wattrelos, classé REP, la suppression de 68 heures, dans le cadre de la baisse de la dotation horaire globale, risque d’entraîner trois fermetures de classes. « Le rectorat annonce des prévisions considérablement à la baisse, avec jusqu’à dix élèves en moins par niveau, s’étonne Alain Gorenflot, représentant syndical SNES-FSU. Mais ça se base sur rien ! » En 2017 déjà, trois classes ont fermé dans ce collège de 750 élèves, et des dispositifs comme les classes audiovisuelles, bilangues ou « euro » ont disparu. « Face à la perte de certaines options, les parents les plus aisés préfèrent mettre leurs enfants dans le privé alors qu’on avait une mixité sociale importante dans ce quartier populaire et un joli taux de réussite au brevet, avec 90 %. » Jeudi, à l’occasion d’une opération collège mort organisée par les parents, les couloirs étaient déserts.

Aux collèges Anne-Frank à Lambersart, Jules-Verne à Maubeuge ou Picasso à Avion, les parents commencent aussi à mener des actions. Une quinzaine d’établissements ont déjà demandé des audiences au rectorat pour tenter d’obtenir des moyens. « Il peut y avoir des désaccords sur les prévisions des effectifs, répond le secrétaire général de l’académie de Lille. Mais nous travaillons à partir de simulations prouvées. » Avant de tenter rassurer : « Il n’y aura pas de dégradation des conditions de travail dans les collèges. »