Le groupe japonais Rakuten avait, en 2011, racheté pour 200 millions d’euros la plateforme d’e-commerce PriceMinister. / THOMAS SAMSON / AFP

C’est un symbole du numérique français qui va disparaître. A partir du 1er mars, la marque PriceMinister va laisser la place à Rakuten. Le groupe japonais avait, en 2011, racheté pour 200 millions d’euros la plate-forme d’e-commerce créée par Pierre Kosciusko-Morizet en 2000. « C’est un énorme défi pour nous. Mais nous voulons créer un écosystème autour de Rakuten. Nous avons déjà les liseuses Rakuten Kobo, notre service de vidéo Rakuten TV et la messagerie Rakuten Viber. Nos 20 millions de membres PriceMinister pourront accéder à l’ensemble de nos services, qui seront intégrés », explique au Monde Hiroshi Mikitani, le fondateur du géant nippon de l’e-commerce. Pour mémoire, Rakuten avait racheté les liseuses canadiennes Kobo en 2012 pour 315 millions de dollars (257 millions d’euros), et la messagerie instantanée Viber pour 900 millions de dollars, en 2014.

Une grande campagne de communication accompagnera le passage de témoin entre PriceMinister et Rakuten. Il sera progressif, compte tenu de la notoriété de PriceMinister. Dans un premier temps, l’ancien nom de l’entreprise continuera à être présent en petit format au côté de Rakuten. Afin de ne pas perdre l’internaute, le nom de domaine sera conservé.

Dans le passé, Rakuten avait déjà songé à abandonner la marque française, mais n’avait pas osé franchir le pas. « J’avais peur, à l’époque. Cela nous a pris du temps de tout intégrer. Mais, cette fois, nous sommes prêts à y aller », justifie le patron.

Concurrencé par Amazon et Leboncoin

En sept ans, PriceMinister, plate-forme intermédiaire entre les commerçants et les particuliers, affirme avoir multiplié par cinq le volume de transactions en France. Le site ne dévoile toutefois pas son chiffre d’affaires dans l’Hexagone. Tout juste sait-on qu’en 2009, la jeune pousse avait réalisé 40 millions de revenus et n’était pas rentable.

Pour l’avenir, Rakuten a encore du pain sur la planche face à Amazon ou au site Leboncoin, qui raflent une grosse part de l’e-commerce en France. « Ce que nous apportons, c’est le lien entre le vendeur et le consommateur. Sur Amazon Seller [le service d’Amazon destiné aux vendeurs], vous n’avez aucun contact, même pas un courriel. Là, nous créons ce lien, c’est ce qui nous permet d’avoir une grosse communauté de vendeurs », affirme Hiroshi Mikitani.

Du côté du consommateur, PriceMinister, également concurrencé par les grands noms de la distribution, comme Fnac-Darty, a lancé, en 2016, un programme de fidélité pour ses utilisateurs, qui compte 1 million de membres. En un an et demi, le site leur a reversé l’équivalent de 10 millions d’euros. « C’est cher, mais c’est un programme unique, qui n’existe pas sur Leboncoin ou sur Amazon », poursuit M. Mikitani, qui précise qu’un système de fidélisation équivalent, de grande ampleur, existe déjà au Japon.

L’Europe reste un territoire modeste

Pour l’avenir, Rakuten réfléchit aussi à ouvrir en France des entrepôts à destination de ses vendeurs. Il en possède déjà trois au Japon et prévoit de se doter de sept espaces de stockage supplémentaires. Rakuten se met ainsi dans les pas d’Amazon, qui met, depuis des années, sa logistique à la disposition des commerçants qui le souhaitent. En parallèle, le japonais songe aussi à décliner dans l’Hexagone ses services de paiements, très développés sur son marché domestique. « Nous avons une licence bancaire au Luxembourg. La prochaine étape est de proposer des services de paiement et de crédit », précise de son côté Olivier Mathiot, le PDG français de la filiale.

Reste que l’Europe reste un territoire modeste pour Rakuten, toujours très puissant au Japon. A son arrivée, Hiroshi Mikitani se montrait ambitieux et souhaitait se développer tous azimuts. Finalement, dans le commerce en ligne, il n’est présent qu’en France et en Allemagne. « Nous songeons à nous lancer en Espagne », assure le dirigeant. Rakuten sponsorise déjà le FC Barcelone, le club de foot de la ville, dont Hiroshi Mikitani affirme partager « la philosophie ».

En Europe, le patron du groupe japonais préfère mettre en avant la place de Rakuten TV « disponible dans douze pays », et de sa messagerie Viber, dont il affirme qu’elle connaît un beau succès en Europe de l’Est. Il souligne également les performances de ses liseuses. « Les Rakuten Kobo se vendent très bien en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne », dit-il. Encore peu connu, Rakuten est un groupe puissant du numérique. En 2017, il a généré un chiffre d’affaires de 944 milliards de yens (7,1 milliards d’euros), en hausse de 20,8 % sur un an, pour un bénéfice net de 830 millions d’euros. Malgré la concurrence d’Amazon, la société, qui a également investi dans Lyft, le concurrent d’Uber, prévoit encore une croissance à deux chiffres cette année.