Des aliens hot-dogs ont kidnappé les burgers, et dimanche, c’est jour de burgers. Alors, Superola le lama décide de sauver l’humanité, avec pour seule arme les doublecheese qu’il ramasse sur son passage et qui lui donnent une haleine de laser destructeur. Superola and the Lost Burgers est un pur nanar vidéoludique, sorte d’Attaque de la moussaka géante 8-bits, sorti sur Switch jeudi 22 février, pour environ 6 euros.

Comme toute production de série Z, le résultat est aussi approximatif que délicieux : une sorte de Flappy Run pour la difficulté absurde, truffé de références à Super Mario Bros., Sonic et Street Fighter II, mais aussi aux « mèmes » Internet comme « Doge le chien à lunettes », ou le lama Ola k ase, vedette sur les réseaux Internet hispanophones. S’y ajoutent des minijeux improbables, comme un combat de pierre-feuille-ciseaux-Spock-lézard, le tout maquillé de graphismes rudimentaires, avec des collisions grossières et des animations sommaires.

Superola and the Lost Burgers - Nintendo Switch - Launch Trailer
Durée : 01:04

Ce coup d’audace, on le doit au bien nommé studio barcelonais Undercoders (les sous-développeurs). Une entreprise complètement inconnue sur la scène internationale, mais qui existe depuis 2006. Cofondée par trois amis à leur sortie de l’université, elle s’est spécialisée dans les petites productions comiques, faute de budget, et les plates-formes de distribution faciles d’accès (mobile, Nintendo DS, smartphones et désormais Switch), en produisant vite et à peu de frais.

Superola and the Lost Burgers a ainsi été conçu en moins de six mois. « Deux d’entre nous ont sauvé un lama d’un de nos anciens jeux que nous adorions, relate à Pixels David Jaumandreu, un cofondateur du studio. On lui a donné un look rétro et commencé à bâtir cette parodie de classiques de la plate-forme avec des mécaniques simples, en mélangeant culture jeu vidéo et pop culture. »

« Je préférerais me castrer avec une cuillère rouillée »

Dire que Superola and the Lost Burgers n’a pas convaincu la critique internationale est un doux euphémisme. A l’heure où nous écrivons, il « flotouille » à 34 sur 100 de moyenne sur Metacritic. En fait, il appartient à cette catégorie rare de jeux qui redonnent une raison d’être au genre hautement littéraire de la critique de nanar vidéoludique. Mention spéciale à la conclusion du site spécialisé Digitally Downloaded, pour qui :

« “Superola” est juste un tas d’absurdités qui aspire à être drôle et divertissant. Et il échoue tellement sur les deux plans que sa seule existence est une insulte. Je préférerais me castrer moi-même avec une cuillère rouillée que de penser une seconde de plus à ce jeu. »

Pierre-feuille-ciseaux devient un jeu plus stratégique quand on ajoute la salutation de Spock et le signe du lézard. / Undercoders

Dans les bas-fonds des classements de jeu vidéo, Superola and the Lost Burgers côtoie désormais des ratés mémorables comme Toro, le pénible jeu de tauromachie sur Xbox One (20/100 de note moyenne) et l’embarrassant Vroom in the Night Sky sur Switch (17/100). Probablement parce qu’ils sont hors catégorie, Bienvenue chez les Ch’tis sur Wii et Hong Kong 1997, parfois qualifié de « pire jeu vidéo du monde », ne sont pas référencés sur Metacritic.

« Pour dire la vérité, nous ne nous attendions pas à [des critiques aussi négatives], assure David Jaumandreu, qui espère vendre 2 500 unités de son titre. Surtout que nous avions de bons retours, ici, à chaque fois qu’on le présentait. C’est un jeu simple en termes de mécaniques, c’est vrai, mais il a des tonnes de contenus, le finir est un vrai défi et il n’est pas cher du tout. »

Après Angry Ramos et Vuvuzela vs Zombies Xtreme

Vuvuzela vs Zombies Xtreme - Universal - HD Gameplay Trailer
Durée : 18:51

Undercoders est un studio rompu à ce genre de production, et son catalogue résonne comme un poème en honneur du jeu vidéo bis. Rien qu’à leur titre, Angry Ramos — un jeu iPhone consistant, entre autres, à diriger un ballon en évitant Godzilla, Superman et Son Goku, téléchargé un million de fois — Vuvuzela vs Zombies Xtreme ou encore Trending Pharaoh disent tout l’amour des créateurs pour les productions mêlant placement commercial opportuniste, esthétique du collage et sens de l’absurde. Bref, des nanars vidéoludiques à l’école du postmodernisme.

Les titres parodiques constituent une frange peu médiatisée mais loin d’être insignifiante de la production vidéoludique. Superola and the Lost Burgers est la suite d’un jeu de 2013, Ola k ase play or what, au principe similaire : Ola le lama y collecte des enveloppes dans un paysage absurde de téléphones portables et de radiocassettes en évitant des obstacles inspirés par des mèmes d’Internet, le tout bruité à la bouche par les développeurs eux-mêmes.

« Ola k ase play or what », bel exemple de la culture du collage propre à Internet, et qui s’immisce dans certains jeux vidéo. / Undercoders

La scène méconnue des jeux parodiques

Le studio barcelonais n’est pas un cas unique. Il surfe sur la tendance des « endless runners » à l’esprit des forums 4chan et Reddit — bas de gamme, référentiels, kitschs, absurdement difficiles — née dans les années 2010. Certains deviendront célèbres à leur petit niveau, comme Zombie Brigade ou l’hystérique Meme Run, sur Wii U (15 % de note critique moyenne sur Metacritic et surtout la réputation de jeu le plus bizarre de ces dernières années).

« Il y aura toujours des gens qui les démonteront, sans même leur donner vraiment une chance, se désole David Jaumandreu. (…)  Mais heureusement il y a beaucoup de gens qui adorent ces jeux aussi ! » Sur Metacritic, l’unique critique utilisateur postée à ce jour prend d’ailleurs le contre-pied total de la presse, en lui attribuant un 10/10. « En tant que jeu parodique, ce titre est une perle, avec des mèmes et des références », écrit un certain Jamesh222, dont c’est l’unique critique.

Meme Run Wii U
Durée : 02:39

L’éclosion de ces jeux parodiques n’est pas seulement dûe à un simple effet de mode : dans un marché du jeu mobile et Steam sursaturé, des couleurs criardes et un ton décalé permettent d’espérer se distinguer. D’autant que les influents youtubeurs se montrent particulièrement friands de ces jeux faciles à mettre en scène et capteurs d’audience. Comme expliquait, en 2016, Randel Bryan, responsable numérique du puissant réseau Endemol Beyond UK, qui produit et monétise des vidéos :

« Il ne faut pas oublier que YouTube est un support de divertissement. Si votre jeu n’est pas différent, original, il ne suscitera rien. Il faut qu’il fasse parler de lui. »

L’absurdité a réussi à certains, comme I Am Bread, qui met en scène une tranche de pain ; Goat Simulator, un jeu de skateboard avec une chèvre, ou encore Genital Jousting, des joutes entre quéquettes multicolores.

« En tant que petit studio à Barcelone, nous ne pouvons pas rivaliser en termes de force de production ou de marketing avec les grandes boîtes, alors on essaie de différencier nos jeux par leur thème, leur esthétique ou leur expérience », abonde David Jaumandreu. Tout en soulignant que l’un de leurs critères reste, pour l’équipe, de s’amuser durant la conception.