Violaine Lochu, performeuse polyphonique
Violaine Lochu, performeuse polyphonique
M le magazine du Monde
Lauréate du prix Aware récompensant les artistes femmes, l’artiste nourrie aux sons de Nina Hagen et Cathy Berberian expose au Centre d’art contemporain Chanot, à Clamart jusqu’au 25 mars.
L’artiste féministe Violaine Lochu. / KONSTANTIN LUNARINE
Est-elle femme oiseau ou femme à barbe, chanteuse klezmer ou artiste féministe ? Violaine Lochu est tout cela à la fois. Une identité plurielle qui contribue à la petite renommée de cette performeuse de 30 ans, qui a fait de la voix son instrument. Lauréate du dernier prix Aware, qui récompense les artistes femmes, elle expose actuellement au Centre d’art contemporain Chanot, à Clamart.
Petite, elle jouait du piano, sans prétention. A 18 ans, elle veut sortir du carcan classique. Etudiante aux beaux-arts de Cergy, elle passe ses étés à sillonner l’Europe, accordéon en bandoulière, en quête d’autres sonorités. A Lecce, dans les Pouilles, elle succombe à la pizzica pizzica, une danse dérivée de la tarentelle. En Bulgarie, la voilà sous le charme des polyphonies. A 24 ans, elle embrasse la musique klezmer, apprend le yiddish, avant de s’immerger… chez les Sami de Laponie.
Aujourd’hui, elle se nourrit tout autant aux sons de Nina Hagen, Cathy Berberian et Meredith Monk. Sa force ? Une curiosité tous azimuts, doublée d’une grande empathie. « Je me plonge à 500 % dans les choses, je me laisse peupler par les sons et j’en ressors avec des formes, résume-t-elle. Je ne cherche pas une synthèse, mais un point de jonction, quand ma voix et celle de l’autre finissent par former une troisième voix. »
Dans ses performances proches de la poésie sonore, sa voix se fait élastique, culmine dans les aigus, crisse en larsen ou chuinte en murmure. Tout aussi agile, son corps devient tour à tour minéral, animal ou végétal, brouille les identités. Les questions de genre la taraudent. Dans la performance T (h) race, elle réinvente la langue des Amazones à partir d’Histoires d’Hérodote et de l’essai Ce sexe qui n’en est pas un, de la linguiste féministe Luce Irigaray. « Mon féminisme, c’est celui d’Irigaray ou de Donna Haraway, explique la jeune femme. Je refuse la domination dans son ensemble, d’un sexe sur un autre, mais aussi de l’homme sur la nature, les animaux. »
Selon elle, l’art se conjugue au pluriel, avec des complices tels que le musicien Julien Desprez ou l’artiste Guillaume Constantin, qui a mis en espace son exposition à Clamart. L’esprit collectif infuse d’ailleurs sa performance Le Cri du chœur, qui aura lieu le 16 mars à l’espace d’art contemporain La Terrasse, à Nanterre, dans le cadre des commémorations de Mai-68. Ou comment, résume-t-elle, « un cri peut faire voix commune, corps commun ».
« Hypnorama », de Violaine Lochu, Centre d’art contemporain Chanot, 33, rue Brissard, Clamart (Hauts-de-Seine). Jusqu’au 25 mars. www.clamart.fr