Devant le campus rénové de l’Institut catholique de Paris, en septembre 2017. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Dans quelques jours, François ­Delaunoy ne fera plus la route pour l’usine Toyota de Valenciennes. Le dernier jour de son stage marquera aussi la fin de ses études à l’Institut catholique d’arts et métiers (ICAM), école rattachée à l’Université catholique de Lille, de tradition jésuite et qui fête ses 120 ans en 2018. François n’a pas choisi cette école d’ingénieur pour son caractère religieux, ni pour son classement, ni même pour son ­réseau d’anciens élèves. « C’est plutôt l’état d’esprit, l’encouragement à s’engager dans une association, à être responsable, solidaire, l’idée que cette formation soit bien plus qu’une école de technicien qui m’ont séduit », résume-t-il.

Pour autant, comme tous ceux de sa promotion, l’étudiant a marqué un temps de pause au milieu de ce stage. Cette « retraite » de trois jours minimum est un ­passage obligé. Objectif : prendre du recul, relire son expérience. C’est ce qu’on appelle la « pédagogie de la décision », directement inspirée de saint Ignace de Loyola.

« Vrai et concret »

Tout au long de son cursus, la prise en compte de sa personnalité et les réflexions sur sa place dans la société ont fait avancer François Delaunoy : « J’ai beaucoup réfléchi à ce qui allait compter dans ma vie professionnelle, à ce plaisir de travailler pour et avec les hommes. D’où une question sur la place de l’argent : celui qu’on gagne et celui de notre entreprise. Au final, est-ce que j’ai envie de travailler pour des actionnaires ? »

« Si j’avais vraiment visé l’aspect religieux, j’aurais été à l’Institut catholique de Vendée. Ici, à Lille, j’ai aimé l’idée qu’il faut cultiver ses propres talents. » Martin, étudiant

Stanislas Martin, étudiant à l’Ecole supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers, ne dit pas autre chose. Catholique pratiquant, il n’a pas choisi l’école sur ce critère. A l’arrivée, ce qui le touche, c’est d’être utile pour l’environnement : « La plupart des élèves sont des fils d’agriculteurs, ils ne sont pas là pour faire carrière, ou pour les salaires qu’ils auront à la sortie. Je me suis retrouvé dans ce côté vrai et concret ». Alors qu’il termine sa sixième année, spécialité biologie marine, l’étudiant cite la venue de l’écologiste Pierre Rabhi.

Derrière cette inscription dans un cursus catholique, ils sont peu nombreux à motiver leur choix par une raison confessionnelle. Martin Jacquet, ancien étudiant de l’école de commerce Estice, à Lille, école rattachée à « la catho », est aujourd’hui à l’Institut d’administration des entreprises de Tours. « Si j’avais vraiment visé l’aspect religieux, j’aurais été à l’Institut catholique de Vendée, dit-il. Ici, à Lille, j’ai aimé l’idée qu’il faut cultiver ses propres talents. » Sa vocation, en quelque sorte.

Modules

A l’heure où les étudiants parlent beaucoup d’un travail qui ait du sens, l’international, l’aide aux autres, l’éthique sont des arguments qui font mouche. Christine Phelippeau, au secrétariat général de la faculté de théologie de Lille, constate aussi que son public change. Les retraités ne constituent plus le seul bataillon de ces cours pourtant spécialisés.

« De plus en plus d’étudiants qui ont un parcours généraliste viennent suivre chez nous des modules. Des élèves en école de commerce ou d’ingénieurs prennent des cours sur la géopolitique des religions, l’islam, le judaïsme, l’étude des faits religieux… », explique-t-elle. Une approche qu’elle décrit avant tout comme « une ouverture humaniste ».