Ce sera donc 15 ans ! Sans attendre l’avis que doit rendre lundi 5 mars au premier ministre une mission d’experts qu’il a mandatée, deux ministres se sont exprimées sur le seuil du non-consentement à une relation sexuelle avec un adulte qui figurera dans le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Cet âge fait l’objet de débats aussi passionnés que sensibles depuis l’affaire dite de Pontoise, quand le parquet avait qualifié en septembre 2017 d’« atteinte sexuelle », et non de « viol », une relation sexuelle qu’un homme de 28 ans avait eue avec une fille de 11 ans.

Les experts ne sont pas unanimes sur l’âge en dessous duquel le code pénal devrait considérer qu’une relation sexuelle avec un adulte est forcément non consentie et donc qualifiée de « viol », passible de vingt ans de prison. Aujourd’hui, cette question est laissée à l’appréciation de la justice en fonction de chaque cas. L’unique seuil dans la loi est l’interdiction pour un majeur, sous peine de cinq ans de prison, d’avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans.

Pour ce nouveau seuil qui serait inscrit dans le code pénal, certains plaident pour 13 ans, d’autres 14 ou 15 ans. Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, a toujours dit sa préférence pour 15 ans, tandis que Nicole Belloubet, la ministre de la justice, avec qui elle travaille sur le texte, évoquait 13. Le président de la République a affirmé que, à titre personnel, il préférait 15. François Molins, procureur de Paris, a dit que 13 ans lui paraissait plus cohérent avec le droit pénal.

Marge d’appréciation

Dans le but d’accompagner l’annonce de la position officielle du gouvernement d’une caution consensuelle, une « mission pluridisciplinaire sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs » a été constituée à la hâte le 12 février. Composée de sept membres (une association de protection de l’enfance, un médecin, un procureur, un psychiatre, etc.), elle devait rendre un avis pour « enrichir la réflexion » en amont de la rédaction du texte.

Mais, lors d’un entretien vidéo sur le site Internet de L’Obs jeudi 1er mars, Mme Schiappa a laissé échapper qu’elle proposerait 15 ans dans son projet de loi. Vendredi 2 mars, Agnès Buzyn, la ministre de la santé, a tout simplement grillé la politesse de la commission ad hoc en déclarant que celle-ci préconisait l’âge de 15 ans.

Reste à savoir quelle sera la rédaction exacte dans le projet de loi qui devrait être présenté en conseil des ministres le 21 mars. Il est probable que cette « présomption de non-consentement » ne soit pas « irréfragable ». Autrement dit, les juges garderont une marge d’appréciation pour qualifier l’infraction.