« Gangsta » : Anvers, braquage, braqueurs et braque au cœur de l’Europe
« Gangsta » : Anvers, braquage, braqueurs et braque au cœur de l’Europe
Par Thomas Sotinel
Pastiche et variation originale sur les classiques du cinéma de voyous, le film d’Adil El Arbi et Bilall Fallah a remporté un immense succès en Belgique.
Il y a quelque chose d’immoral dans cette histoire. Pas tant à cause de la profession du quatuor de héros, narcotrafiquants. Plutôt en raison de la réussite d’un film que le duo de réalisateurs, Adil El Arbi et Bilall Fallah, a surchargé de clichés et de blagues un peu débiles. Malgré ces fautes de jeunesse (car si un film parle de et à une génération, c’est bien celui-là), Gangsta fait honneur à son genre – le film de voyous – et à son pays, la Belgique, où il vient de remporter un immense succès.
Pour commencer, Adil et Bilall (n’y voyez aucune familiarité, c’est comme ça que les deux cinéastes signent) prennent leur temps : ils racontent l’enfance et l’adolescence d’Adamo (Matteo Simoni), né à Anvers de père marocain et de mère italienne (d’où son prénom emprunté au patronyme du plus célèbre des Italo-belges). Dans les coursives de son grand ensemble, au collège, Adamo grandit avec ses amis Volt, Junes et Badia. La composition du quatuor indique bien la singularité du film. La présence d’une fille dans la petite bande tend à rapprocher le récit de la littérature enfantine (d’autant que Nora Gharib fait de Badia une chic fille), ce qui n’empêche pas le film de s’offrir une petite embardée en une très brève séquence pendant laquelle les garçons confessent qu’ils convoitent tous la jeune fille.
Cacophonie d’un pays
Gangsta (Patser en version originale flamande) démarre pour de bon lorsque Adamo et ses amis subtilisent une cargaison de cocaïne, s’attirant les foudres de factions assez nombreuses pour entretenir une demi-douzaine de guerres civiles, des policiers corrompus aux cartels colombiens en passant par les Marocains d’Amsterdam qu’il ne faut pas confondre avec les Marocains d’Anvers. Cet argument éculé ne sert qu’à propulser une drôle de comédie de mœurs qui repose sur l’exagération plus que sur l’observation.
Et pourtant, à force de clins d’œil appuyés, d’astuces de narration (comme cette excellente fausse fin), il finit par se dégager une vérité de Gangsta. Adamo et ses amis ont choisi le commerce des stupéfiants exactement pour les mêmes raisons qui poussent d’autres à entrer en école de commerce : pour l’argent, le confort, la notoriété. Ce portrait de groupe est ancré dans une langue, le flamand, dans un décor, Anvers, qui sont maniés avec une brutalité et une dérision dont on finit par se demander si elles ne cachent pas un peu d’affection. En passant, Adil et Bilall évoquent les addictions du personnel politique, les amis de quartiers partis en Syrie. On dirait que s’ils multiplient les explosions et les fusillades, c’est pour étouffer la cacophonie du pays dans lequel ils vivent, pour le faire passer dans l’univers du cinéma.
GANGSTA Bande-annonce VF - Officielle
Durée : 01:26
Film belge d’Adil El Arbi et Bilall Fallah, avec Matteo Simoni, Nora Gharib, Saïd Boumazoughe, Junes Lazaar, Nabil Mallat, Ali B. (2 h 05). Sur le Web : www.facebook.com/GangstaLeFilm et www.facebook.com/ApolloDistrib