Des employés d’Air France avaient manifesté sur l’autoroute menant à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris, lors de la journée de grève du 22 février. / Thibault Camus / AP

Le conflit se durcit chez Air France. L’intersyndicale, réunie lundi 5 mars, a décidé « une poursuite du mouvement », annonce Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Les dix syndicats, représentant toutes les catégories de personnels, appellent les salariés de la compagnie aérienne à une nouvelle journée de grève, le 23 mars, qui sonne comme un dernier avertissement pour la direction. Après cette date, le président du SNPL parie sur une intensification du mouvement. Le 22 février, l’intersyndicale avait déjà appelé à une journée de grève qui a été très suivie. Air France avait dû annuler la moitié de ses vols long-courriers. Depuis, déplore M. Evain « l’intersyndicale n’a eu aucun contact avec la direction, qui reste dogmatiquement sur ses positions ».

Deux semaines après la grève du 22 février, les revendications de l’intersyndicale d’Air France n’ont pas changé. Après six années de blocage des salaires et 10 000 suppressions de postes, les dix organisations réclament une augmentation générale de 6 %. Une hausse des salaires, expliquent-elles, qui ne représenterait qu’un simple rattrapage de l’inflation. « Si Air France ne peut augmenter ses salariés après avoir réalisé 1,5 milliard d’euros de bénéfices en 2017, c’est incompréhensible », s’exclame M. Evain.

Une demande très éloignée des propositions de la direction, qui a fait approuver, par deux syndicats non représentatifs, la CFE-CGC et la CFDT, une augmentation des salaires de seulement 1 %. Air France estime que la compagnie aérienne ne peut pas répondre positivement aux exigences de l’intersyndicale. La facture globale des revendications atteindrait 240 millions d’euros, affirme la direction qui confirme ne pas avoir engagé de nouvelles négociations avec les syndicats et se refuse à tout autre commentaire.

Des mécaniciens au sol en grève depuis trois mois

Selon M. Evain, « la situation est déjà vraiment délétère dans tous les services ». Le patron du syndicat des pilotes pointe du doigt les conséquences de la « grève des mécaniciens au sol qui dure depuis trois mois ». Ces derniers sont très remontés contre la compagnie. Après des années de gel des embauches, la direction a recommencé à recruter, explique M. Evain, notamment pour faire face à l’augmentation du trafic. « Mais Air France a été obligée de rehausser les salaires d’embauche, faute de trouver des salariés qualifiés au prix où sont payés les mécaniciens de la compagnie », précise le président du SNPL.

« L’entretien des avions devient vraiment catastrophique », dénonce le président du SNPL.

Résultat, selon lui,  « les nouveaux arrivants se retrouvent mieux rémunérés que des mécaniciens avec dix années d’ancienneté. Inadmissible pour les salariés en place ». En pratique, dénonce M. Evain, « l’entretien des avions devient vraiment catastrophique ». Pour parer à la grève, « Air France sous-traite à prix d’or la maintenance des avions auprès de mécaniciens qui ne connaissent pas la flotte », s’inquiète le président du SNPL. Avec des « risques qui se multiplient pour la sécurité des passagers et des équipages ». D’après lui, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) aurait même contacté la direction d’Air France « pour tirer la sonnette d’alarme », ce que la compagnie, contactée par Le Monde, dément.

Le président du SNPL appelle l’Etat à prendre ses responsabilités. « Quand le dialogue social se durcit chez Air France, habituellement, c’est le gouvernement qui met le holà », explique-t-il. Mais, cette fois, « l’Etat est bien au courant [de la situation] et, pour l’instant, il laisse faire », se désole M. Evain. In fine, l’enlisement du conflit pourrait coûter cher à Air France. La facture de chaque journée de grève atteindrait de 20 à 25 millions d’euros. La date de la prochaine grève ne serait pas choisie au hasard par les syndicats. Elle interviendra au lendemain de la journée de mobilisation prévue dans la fonction publique. Une concomitance qui pourrait faire craindre une convergence des luttes. La hantise des gouvernements.