Gina Haspel, la mémoire sombre de la CIA
Gina Haspel, la mémoire sombre de la CIA
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Gina Haspel, qui serait la première femme à diriger l’agence, a participé au programme de prisons secrètes et de torture adopté par la CIA après le 11-Septembre.
Gina Haspel, sur une photo non datée fournie par la CIA. / HANDOUT / AFP
Seconde femme nommée directrice adjointe de la CIA, Gina Haspel sera la première à prendre la direction de l’agence si elle est confirmée dans ses fonctions par le Sénat. Cette professionnelle du renseignement ne risque pas d’être handicapée par des déclarations publiques puisqu’elle a passé l’essentiel de sa carrière dans la confidentialité propre à l’espionnage. En revanche, un pan de son histoire pourrait compliquer la tâche devant les sénateurs : sa participation au programme de prisons secrètes et de torture adopté par la CIA après le 11-Septembre.
Lors de son audition au Congrès, Gina Haspel devrait retrouver une figure familière, celle de Diane Feinstein, sénatrice démocrate de Californie. Cette dernière, pilier de la commission du renseignement de la haute assemblée qu’elle a présidée de 2006 jusqu’à la perte de contrôle du Sénat par les démocrates, en janvier 2015, est à l’origine d’un rapport remarqué, publié en décembre 2014, consacré à cette page particulièrement sombre du renseignement américain.
En 2007, selon le Washington Post, la commission avait été alertée par la destruction de documents sur des interrogatoires en Thaïlande au cours desquels la technique du « waterboarding » (« simulacre de noyade ») avait été utilisée. La responsable de la prison secrète où cette forme de torture avait été pratiquée n’était autre que Gina Haspel, même si cette dernière n’avait pas été la plus haute responsable à l’origine de l’ordre de destruction de vidéos tournées lors de ces séances d’interrogatoires.
Un long travail d’enquête, sans cesse contrarié par la CIA
L’élection de Barack Obama, en 2008, avait permis à Diane Feinstein de se lancer dans un long travail d’enquête, sans cesse contrarié par la CIA. Il avait permis de détailler notamment le sort réservé, dans la prison installée en Thaïlande pour échapper aux contraintes juridiques américaines, à deux djihadistes saoudiens, Abou Zoubaydah et Abd al-Rahim al-Nashiri. Ce dernier était considéré comme le cerveau des attentats contre le croiseur américain USS Cole, en 2000, puis contre le pétrolier Limburg en 2002.
« A aucun moment les techniques d’interrogatoire renforcées de la CIA n’ont permis de recueillir des renseignements relatifs à des menaces imminentes, tels que des informations concernant d’hypothétiques “bombes à retardement” dont beaucoup estimaient qu’elles justifiaient ces techniques », avait assuré Diane Feinstein lorsqu’elle avait présenté un volumineux rapport dont l’essentiel était resté classifié. Il avait été vivement attaqué par les élus républicains.
Ce passé n’a pas paru embarrasser Donald Trump, qui a assuré pendant la campagne présidentielle que « la torture, ça marche », avant d’être en apparence convaincu du contraire par son futur secrétaire à la défense, James Mattis. Mike Pompeo, alors élu du Kansas à la Chambre des représentants, a soutenu que le waterboarding était une technique d’interrogatoire légale. Il avait réagi à la publication du rapport en assurant que la sénatrice avait mis « des vies américaines en danger ». Il avait ajouté que « les agents de renseignement dont les actes ont été examinés étaient des héros ». La qualification valait évidemment pour Gina Haspel qu’il avait ensuite choisie comme adjointe.