L’entraîneur de Lyon, Bruno Génésio, lors d’un match de Ligue Europa face aux Néerlandais du AZ Alkmaar, le 16 février 2017. / Peter Dejong / AP

Quand on l’a rencontré fin janvier, tout allait bien. L’Olympique lyonnais occupait encore une prometteuse 2e place au classement de Ligue 1 et ses détracteurs étaient bien embêtés pour trouver des griefs à cet entraîneur, dont la légitimité grimpait en flèche. Oublié la non-qualification en Ligue des champions la saison précédente, Bruno Génésio avait retrouvé la confiance et même un peu de considération.

Une semaine après avoir battu le PSG (2-1), un privilège rare en France, son équipe venait bien de subir, le 28 janvier, un coup d’arrêt à Bordeaux (3-1), mais rien en mesure de laisser présager la suite. Au total, Lyon a dû patienter pendant six matchs et quarante-quatre jours avant de renouer avec la victoire en championnat, dimanche 11 mars, contre Caen (1-0).

Désormais 4e, à 9 points de Monaco et 5 de Marseille, l’OL de Génésio entame une semaine décisive. Jeudi 15 mars, il faudra d’abord valider face au CSKA Moscou la qualification en quarts de finale de Ligue Europa (victoire 1-0 à l’aller en Russie), et poursuivre sa route vers une éventuelle finale à domicile. Dimanche 18 mars, seule la victoire au Stade-Vélodrome permettrait aux Lyonnais de rivaliser encore avec l’OM en Ligue 1.

Eternelle quête de légitimité

Ce « Gone » pur jus (première licence au club à 6 ans, puis dix ans en pro dont quatre en D2), a d’emblée rencontré des résistances dans ses nouvelles fonctions. Le 25 décembre 2015, lorsqu’il remplace Hubert Fournier, dont il est alors l’adjoint, une pétition recueille sur Internet quelques milliers de signatures pour protester contre sa nomination. On lui reproche ses courtes expériences mitigées de coach principal à Besançon (Doubs) et Villefranche (Rhône) en CFA.

Depuis, le parcours de Bruno Génésio ressemble à une éternelle quête de légitimité. « Au moment où le président Aulas m’a fait confiance, c’est une prise de risque. On entre dans le nouveau stade [inauguré le 9 janvier 2016], les gens attendent un grand nom, un mec qui a déjà gagné des choses. Je le comprends, plaide-t-il, je me dois de prouver toujours plus, car je n’ai pas une carrière de grand joueur. C’est normal que le jour où Juninho revienne, il ait plus de légitimité que moi. Il a tout gagné ici. »

« C’est normal que le jour où Juninho revienne, il ait plus de légitimité que moi », dit Génésio

Honnête milieu de terrain durant sa carrière, membre du staff lyonnais pendant dix ans, de responsable vidéo à entraîneur de la réserve, puis adjoint, l’homme n’était pas destiné à prendre la lumière en occupant ce poste d’entraîneur principal : « Je savais que j’allais être médiatisé comme jamais auparavant. J’ai saisi une opportunité, mais si je l’ai fait, c’est que je m’en sentais capable. Ce que je n’accepte pas, c’est que l’on se serve de mon échec à Villefranche il y a vingt-cinq ans pour dire que je ne peux pas réussir à Lyon. »

Il va pourtant prouver le contraire avec six premiers mois excellents sur le banc de l’OL. L’OL passe de la 9e à la 2e place et décroche une qualification inespérée en Ligue des champions. L’intéressé garde pourtant un goût amer de ses débuts réussis. « J’ai entendu des trucs hallucinants, que l’on n’avait pas de projet de jeu alors que l’on pratiquait le meilleur football derrière Paris. C’est tout juste si l’on avait fini deuxièmes parce que je sortais en boîte de nuit avec les joueurs et que j’étais copain avec [Alexandre] Lacazette, [Corentin] Tolisso et [Maxime] Gonalons », assène-t-il.

« Mafia lyonnaise » et proximité avec les joueurs

Pour l’ancien gardien remplaçant Nicolas Puydebois, aujourd’hui consultant pour le site Olympique et Lyonnais, Bruno Génésio « n’a pas su capitaliser » sur son entame réussie : « Beaucoup ne lui accordent pas la légitimité. Autour du stade, tu entends beaucoup plus d’avis négatifs que positifs sur lui. Quand ça fonctionne, c’est grâce aux joueurs, quand ça ne va pas, c’est de sa faute. »

Il faut dire que le club a la réputation d’être un microcosme bien particulier où les anciens occupent une place stratégique (Bernard Lacombe et Gérard Houllier). Echaudé par l’expérience ratée de Claude Puel entre 2008 à 2011, le président Jean-Michel Aulas préfère depuis consommer local et a nommé trois ex-joueurs au poste d’entraîneur : Rémi Garde, Hubert Fournier et Bruno Génésio. « Le président fait des choix de personnes d’abord sur la compétence. Ensuite, s’ils sont lyonnais, c’est encore mieux. Ma connaissance du club peut être un inconvénient vis-à-vis de quelques médias. On a parlé de “mafia lyonnaise”, lorsque j’avais été nommé, car j’étais malléable. Ce sont des affirmations débiles », défend le technicien de 51 ans.

La spirale semble infernale pour Bruno Génésio. Après un match nul à Limassol en Ligue Europa en septembre 2017, son numéro de téléphone circule et il reçoit plus de 130 messages, certains injurieux. Dans la lignée de sa deuxième saison qu’il qualifie lui-même de « dure », « avec des non-matchs où l’on n’a pas été au niveau que l’on doit avoir à Lyon », l’irrégularité de son équipe suscite une remise en question permanente. Même une impressionnante série de victoires à l’extérieur (5-0 à Troyes, Nice et Saint-Etienne) ne suffit pas à faire oublier un niveau de jeu souvent décevant.

Cible des réseaux sociaux et lâché par les supporteurs

Sur les réseaux sociaux, on moque le virage tactique mis en place : un bloc défensif positionné bas sur le terrain pour jouer en contre et la propension à se reposer sur les exploits individuels de talents comme Memphis Depay ou Nabil Fekir. Twittos influent parmi les suiveurs de l’OL, Eddy Fleck (un pseudo) résume la situation : « C’est le club qui est responsable. Lui [Génésio] te dira qu’il est là pour bosser et progresser. Mais à l’OL, on ne peut pas se permettre d’avoir un coach là pour apprendre. Avec un effectif comme ça, on doit être deuxièmes. Il y a une inadéquation entre le projet global et un entraîneur qui n’a pas les épaules. »

Proche de l’entraîneur lyonnais, Sidney Govou, sept fois champion de France avec l’OL (de 2002 à 2008), réfute ce procès en compétence. « Les gens disent qu’il n’a pas de charisme. Le plus important, c’est la relation avec les joueurs. Quand il parle foot, il sait de quoi il parle. Quand vous perdez autant de bons joueurs expérimentés [Lacazette, Tolisso, Gonalons, Valbuena et Jallet], vous n’allez pas m’expliquer que vous avez une meilleure équipe », défend le consultant de Canal+. Reconnu pour sa gestion des ego, Génésio n’a en effet jamais perdu le soutien de ses joueurs. « Les critiques ne me touchent plus. Je vis avec. Je me sens plus fort grâce au soutien du club. »

Pourtant, face à Montpellier le 4 mars, le groupe ultra des Bad Gones, réputés proches du « Lyonnais » Génésio, a affiché son mécontentement : « Notre patience a des limites. » L’avenir du coach, sous contrat jusqu’en 2019, passe certainement par une qualification en Ligue des champions. Fin janvier, Bruno Génésio en avait bien conscience : « Tenir les objectifs [un titre et une place dans les trois premiers] serait une manière de montrer que j’avais les moyens de conduire l’OL. Après, si l’on termine quatrièmes mais que l’on gagne la Ligue Europa, ça sera différent. Je n’y pense pas aujourd’hui. » D’autres s’en chargent volontiers pour lui.