Haro sur les hausses de salaire des médecins spécialistes au Québec
Haro sur les hausses de salaire des médecins spécialistes au Québec
Par Anne Pélouas (Montréal, correspondance)
La décision du gouvernement libéral exacerbe le débat sur l’état du système de santé dans la province francophone au Canada.
Prescription d’un médecin généraliste. / MARC LE CHELARD / AFP
Médecins contre médecins. La forte hausse salariale accordée aux médecins spécialistes du Québec mi-février ne passe pas auprès de certains de leurs confrères. L’association Médecins québécois pour un régime public a invité, fin février, sur Facebook, ses 500 membres à signer une pétition contre des « augmentations choquantes » en regard « des coupures draconiennes des dernières années » qui ont, selon elle, aggravé les conditions de travail des infirmières et autres professionnels de la santé et limité l’accès aux services médicaux pour les patients. Elle invitait également le gouvernement provincial « à investir cet argent autrement afin de préserver et améliorer le système de santé public ».
La polémique a été lancée par l’annonce, le 15 février, d’un accord entre le ministre de la santé, Gaëtan Barrette, et les 10 000 membres de la Fédération des médecins spécialistes. Il prévoit une hausse de rémunérations de 11,2 % sur huit ans et le partage d’une enveloppe de 2 milliards de dollars canadiens (1,2 milliard d’euros). Cette hausse a été justifiée par le ministre, lui-même un médecin spécialiste, au nom d’un « rattrapage de rattrapage » salarial et de la réduction de l’écart de revenu avec les spécialistes d’autres provinces canadiennes. Plusieurs études montrent pourtant que ceux du Québec sont mieux payés qu’ailleurs au Canada.
Le 7 mars, un rapport indépendant sur la rémunération des médecins et ses impacts « sur leur pratique et la performance du système de santé » a attisé le feu en dénonçant « la remarquable opacité » du système de négociation de la rémunération des médecins et en révélant que celle-ci avait doublé depuis dix ans, tandis que les soins aux patients diminuaient.
La polémique a gagné l’opinion publique
Dans un contexte de réformes contestées du ministre et de pénurie d’infirmières et de médecins de famille, la polémique a gagné l’opinion publique. Certains s’en sont pris sur les réseaux sociaux à ces médecins « gloutons » ou « improductifs ». Diane Francœur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, a répliqué en dénonçant un « cirque médiatique ».
Lassée de « se faire traîner dans la boue », la pédiatre Valérie Marchand a publié, le 13 mars, dans le quotidien Le Devoir un témoignage sous le titre « Nous, médecins, nous sommes plus que juste un salaire ». Elle y témoigne de son quotidien de médecin spécialiste, travaillant plus de 11 heures par jour, délaissant sa famille, payant des assurances hors de prix, sans congés payés ni régime de retraite.